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la Bible au Féminin 03 Lilah

la Bible au Féminin 03 Lilah

Titel: la Bible au Féminin 03 Lilah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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loin. Il n’est plus qu’une pensée qui me déchire le ventre si une fois encore j’écris son nom.
    Il est loin, loin comme la vie que je n’ai pas voulue, pas choisie, pas acceptée. Il m’a oubliée. Il serre une femme dans ses bras à l’instant où cette encre glisse du calame et pénètre la peau du papyrus !
    Voilà la vérité.
    Plus d’époux, je n’ai plus d’époux. Je n’ai plus de Sogdiam.
    Voilà la vérité.
    J’écris cette lettre comme j’ai écrit, il y a longtemps, une nuit, dans ma chambre de Suse, en suppliant Yhwh. En demandant : « Ô, Yhwh, pourquoi cessons-nous d’être des enfants ? »
    Ô Yhwh, pourquoi Sogdiam n’a-t-il pu mener une existence d’enfant ? Pourquoi cette mort ? Pourquoi dois-je devenir froide, n’être plus qu’une main qui écrit pour que Tu entendes une autre voix que celles qui crient aujourd’hui dans Jérusalem ?
    Pourquoi tant d’interrogations blessées, tant de questions douloureuses ?
     
    *
    * *
     
    L’humain est humilié,
    l’homme est à bas, ne le relève pas
    cache-toi dans la pierre,
    réfugie-toi dans la poussière,
    terrifié que tu es par Yhwh
    par sa grandeur éclatante.
    Voilà enfin que l’arrogant œil humain s’abaisse
    que la superbe des hommes va plier.
    Yhwh seul sera tenu en haut, ce jour-là.
     
    Cela aussi est l’une des nombreuses paroles d’Isaïe.
    Elles me montent souvent aux lèvres sans que je sache si elles sont bonnes pour nous ou pas. Elles me viennent comme vient la colère des nuages qui fuient au-dessus de nos têtes, poussés par les sifflements du vent du nord.
    Je les ai chantées tout à l’heure sur la tombe de Sogdiam, mon enfant.
    Toutes celles qui m’entouraient les ont reprises avec moi. Ce n’était pas aussi beau que notre chant de la porte des Eaux, mais cela a vibré dans l’air désolé qui nous entoure.
    Il est vrai aussi que nous sommes épuisées de chanter pour ceux que nous enterrons.
    Tout comme mes doigts sont usés et encornés par le calame.
    Chez les plus vieilles d’entre nous, le désir est grand de se coucher n’importe où sur le sol et de s’endormir enfin, dans l’oubli éternel qui nous recouvrira bientôt. Je l’ai vu dans leurs yeux, tout à l’heure, quand la terre a recouvert Sogdiam. Et j’ai été surprise d’éprouver le même désir, moi qui n’ai pas vingt-cinq ans.
    De temps à autre, je porte le dos de ma main à mes lèvres. C’est là que Sogdiam m’a touchée pour la dernière fois. Mais ma peau n’en conserve plus le souvenir.
     
    *
    **
     
    Yahezya a été blessé au ventre, mais il peut encore parler et nous conduire. Il nous a demandé de rassembler celles qui demeuraient en vie.
    Il a dit que nous devions aller près de la mer de l’Araba. Qu’il y avait là-bas des grottes, des lieux plus faciles à défendre qu’un champ ouvert. Il en connaissait le chemin. Il nous y a menées. Il a lutté pour respirer jusqu’à ce que nous puissions apercevoir les falaises de Qumrân et les dizaines de grottes.
    Voilà où nous sommes aujourd’hui.
    Sans terre à cultiver, mais protégées par les murs que nous avons dressés devant les grottes.
    Voilà où nous sommes aujourd’hui, terrées comme les lapins du désert.
    Autrefois, Sogdiam pouvait parfois nous obtenir du grain de Jérusalem.
    Mais Sogdiam est mort sous son chariot.
    De temps à autre, des anciens époux sont venus, de nuit, voir leurs enfants et pleurer dans leurs bras.
    Mais beaucoup n’avaient plus de femmes. Mortes ou bien dans les bras de ceux de Guersheme, voilà où elles étaient.
    Quelquefois, les anciens époux sont venus caresser leurs épouses répudiées. Ils ont fait des gestes qui rappelaient les temps de l’amour.
    Puis ils sont repartis.
    Dans la tête et le corps des femmes, ces caresses et cet amour se sont effacés comme s’est effacé le souvenir d’Antinoès dans la tête et le corps de Lilah.
    Pour nous, les épouses répudiées, je le dis et je l’écris : « Le temps est mort. »
    Yhwh nous a poussées dehors et le temps, pour nous, est mort.
    C’est la vérité que dit Lilah, fille de Serayah.
    Ce que j’écris, moi, Lilah, nul ne le lira. Mes mots n’appartiennent ni aux sages, ni aux prophètes, ni à Ezra. Ils disparaîtront dans le sable des grottes de Qumrân.
    Mais je l’écris car il faut que des mots le répètent : ces femmes et ces épouses étaient innocentes.
    Leurs enfants n’étaient pas coupables.
    Je l’écris :

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