La campagne de Russie de 1812
Élisabeth à laquelle on répondait
par l'impératrice Joséphine ; la grande-duchesse Anne
par la princesse Borghèse, etc. Si le temps d'une première
visite l'eût permis, il y aurait eu probablement un mot sur la
santé du cardinal Fesch... Et les deux empereurs, bien
tranquilles sur l'état dans lequel ils avaient laissé
leurs familles se séparèrent... ».
Napoléon
accompagne le tsar jusqu'au haut de l'escalier, puis le prince de
Bénévent, en sa qualité de grand chambellan, le
reconduit jusqu'à sa voiture.
– Nous nous
reverrons, lui promet le tsar, et cela fut dit rapportera Talleyrand,
« avec une expression qui me prouvait que M. de
Caulaincourt, qui avait été au-devant de lui, lui avait
dit que j'étais au fait de tout ce qui devait se passer ».
Revenu dans le
cabinet impérial, Napoléon lui fait part de ses
impressions :
– L'empereur
Alexandre me paraît disposé à faire tout ce que
je voudrai ; s'il vous parle, dites-lui que j'avais d'abord eu envie
que la négociation se fit entre le comte de Romanzov et vous,
mais que j'ai changé et que ma confiance en lui est telle que
je crois qu'il vaut mieux que tout se passe entre nous deux. Quand la
convention sera arrêtée, les ministres signeront.
Souvenez-vous bien, dans tout ce que vous direz, que tout ce qui
retarde m'est utile : le langage de tous ces rois sera bon ; ils me
craignent ; je veux, avant de commencer, que l'empereur Alexandre
soit ébloui par le spectacle de ma puissance : il n'y a point
de négociations que cela ne rende plus facile.
La puissance... en
effet ! Et l'on peut lire dans les instructions données par le
maréchal Oudinot, gouverner général d'Erfurt :
« Pour les rois, dix hommes de la Garde et point d'hommes
à cheval. » Les cavaliers sont réservés
aux deux empereurs... Tout est prévu ! Aussi un tambour-major
de la Garde impériale ordonne-t-il à ses hommes, avec
le plus grand sérieux :
– Un seul
roulement : ce n'est qu'un roi !
Le soir même,
Talleyrand trouve un billet de la princesse de Tour et Taxis, née
Thérèse de Mecklembourg-Strelitz, sœur de la
reine Louise de Prusse. Elle a épousé un haut
dignitaire bavarois, le prince Charles-Alexandre, grand maître
des Postes. Talleyrand n'est pas chez elle depuis un quart d'heure
que l'on annonce l'empereur Alexandre : « Il fut très
aimable, fort ouvert, il demanda thé à la princesse de
Tour, et lui dit qu'elle devait nous en donner tous les soirs après
le spectacle : que ce serait une manière de causer à
son aise et de bien finir sa journée. Cela s'est convenu... Et
rien d'intéressant ne marqua cette première soirée. »
Cependant
Talleyrand est frappé par la lenteur inhabituelle employée
par Napoléon « de manière qu'on ne trouvât
jamais le moment de parler d'affaires ». Pour la première
fois, les repas sont longs et se prolongent souvent durant près
de deux heures. On passe ensuite en revue un corps de la Garde ou un
régiment s'apprêtant à prendre la direction de
l'Espagne – à pied, bien sûr, puisque seule la
Garde voyage en poste ! Puis l'on s'attarde à visiter
« quelque établissement public du pays »...
De ce pays de Prusse dont on s'est bien gardé d'inviter le
souverain ! Parfois, tandis que l'on sert le café –
brûlant pour Napoléon – on convoque, en guise
d'attraction, « des hommes considérables, et des
hommes de mérite », venus à Erfurt pour voir
l'extraordinaire personnage – et ceux qui le flattent
bassement. Talleyrand le remarquera :
– Je n'ai
pas vu à Erfurt une seule main passer noblement sur la
crinière du lion.
La
Comédie-Française est également du voyage et
donne chaque soir une représentation. Napoléon a
remarqué qu'Alexandre, placé dans une loge royale, tout
au fond du théâtre, entendait fort mal. Le tsar est en
effet un peu dur d'oreille. Aussi l'Empereur ordonne-t-il de couvrir
la fosse d'orchestre d'une estrade. On y place deux fauteuils
destinés à Alexandre et à Napoléon. À
droite et à gauche, des chaises simplement garnies sont
destinées au roi de Saxe et aux autres souverain de la
Confédération.
– Un
parterre de roi, fait remarquer quelqu'un.
– Vous
voulez dire une plate-bande, ironise Talleyrand.
Par ces
dispositions, les deux empereurs se trouvent tellement en évidence
qu'il leur est impossible de faire un mouvement qui ne soit point
aperçu de tout le public. Alexandre regarde particulièrement
la ravissante
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