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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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lâché les mains pour lui faire un genre de petite chiquenaude sur
     la joue. Sur un ton de reproche, il lui dit :
    — Tu nous as joué un sale tour quand tu t’es mariée avec ton colon du
     Lac-Saint-Jean. What a surprise ! On n’a rien vu venir. But you’re mine… Tu me
     trahiras plus…
    Il voulut l’embrasser, mais ces dernières paroles avaient été comme une gifle
     pour Léonie. Il osait l’accuser de trahison quand c’était elle la victime dans
     tout cela ? Lui, Albert, mademoiselle Brassard… C’étaient eux, les
     traîtres !
    Telle une soudaine tempête, la rage s’éleva dans son ventre. Toutes ces années
     de mensonge, de remords, de deuil, de perte, toute cette souffrance… Elle allait
     hurler, exploser…
    Elle s’éloigna de John, et en furie, lui ordonna de sortir.
    — J’en ai assez entendu. Tu sors d’icitte tout de suite !
    L’homme fut surpris. Il était certain qu’il détenait encore une emprise sur
     elle. Il ne s’était jamais trompé sur les signes de son pouvoir.Il lui avait fait la cour, il lui avait confié des choses qu’il n’avait jamais
     dites… Que signifiait ce revirement ?
    — My God, Léonie, what happened with you ? Calme-toi.
    — Tu m’as gâché la vie, tu as profité de moé, pis là tu reviens comme le diable
     en personne pis y faudrait que j’me calme pis que j’te laisse faire ? J’ai des
     petites nouvelles pour toé, my dear, enough is enough ! Chus pus la p’tite
     Léonie stupide que t’as connue pis qui croyait en tes belles paroles. Albert pis
     toé, chicanez-vous toute ce que vous voulez, moé j’en veux pus. Pis j’vas
     m’organiser pour pus jamais vous voir la face, c’est-tu clair ?
    — Léonie… please, listen to me…
    Elle hurla :
    — Va-t-en ! Sors ! T’as-tu compris ? Disparais de ma vue !
    Elle empoigna le chapeau et les gants et se mit à pousser littéralement l’homme
     vers la porte. Elle était hystérique.
    — Tu vas-tu comprendre ? Laisse-moé tranquille ! Va-t-en ! Go out ! Go !
    John n’eut d’autre choix que d’obtempérer. Léonie était dans un tel état ! Elle
     attrapait tout ce qu’il y avait sur son chemin et le lançait à la tête de
     l’homme. Un cendrier, un vase, une potiche. Elle envoya valser le guéridon,
     fracassa un cadre… John n’avait jamais été témoin d’une telle crise. Il essaya
     de la calmer tout en esquivant les objets.
    — It’s OK, Léonie. It’s OK… Je… je m’en vais…
    Il franchit la porte. Sur le palier, il remit son chapeau et se retourna vers
     la femme. Essoufflée, les cheveux défaits, celle-ci le regardait,
     immobile.
    — T’es bouleversée, it’s OK. Take your time, ma belle… Mais tu vas te remarier
     Léonie, avec moi. When I want something, I get it, lui dit-il.
    En silence, comme vidée de toute substance, Léonie s’avança, les pupilles
     dilatées, sans expression sur le visage. Lentement, sans le quitter des yeux,
     elle referma la porte sur son passé.

    Seule dans sa maison de Montréal, assise à son secrétaire dans
     sa chambre, Léonie termina sa lettre d’aveux à John. Elle n’avait caché aucun
     détail. Elle la cacheta et la mit sur la pile des nombreuses autres écrites
     pendant la nuit. Outre celles, polies, adressées à quelques membres de sa
     famille et quelques connaissances, il y en avait une plus personnelle pour
     Ti-Georges, une affectueuse pour Marie-Ange, une de gratitude pour Henry, une de
     pardon pour mademoiselle Brassard et une de compassion pour Julianna. Léonie
     faisait ses adieux. Cela lui avait pris des heures, presque toute la nuit de
     cette mi-avril, mais maintenant qu’elle avait terminé cette délicate besogne,
     elle se sentait mieux. Elle repoussa sa chaise et se leva. Lentement, elle
     retira sa robe de nuit et entreprit de se laver, à l’aide de son gant de
     toilette qu’elle trempait dans l’eau froide d’un bassin. Contrairement à
     l’expéditive toilette quotidienne, cette aube-là, elle procéda à ses ablutions
     comme à un rituel de purification. Elle commença par son visage. Passant le gant
     sur ses yeux, elle les fermait à jamais sur tant de choses... Le gant glissa le
     long de ses bras et elle s’enlaça elle-même en un geste douloureux. Cela était
     sa dernière étreinte... Le long de ses jambes, entre celles-ci...
    À chaque passage du gant, elle lavait un péché, un souvenir, un désir.
     Frissonnante dans l’air

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