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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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revenu !
    Quand il put se dépêtrer de tous ces petits bras qui l’enlaçaient, une paire
     autour de chaque jambe, deux autour de la taille, une autour de son cou, il
     remarqua que Julianna lui tournait le dos et continuait à brasser quelque chose
     sur la cuisinière à bois. Marie-Ange, assise, était en train de nourrir à la
     cuillère le jeune Léo et le regardait d’un air gêné et peiné. Il retira ses
     bottes, demanda à ses enfants de le laisser arriver, alla embrasser son petit
     dernier dans sa chaise haute et enfin s’approcha de sa femme par derrière. Elle
     n’eut aucune réaction. Il se dit que son épouse devait le bouder et lui
     reprocher son absence plus longue que prévue.
    — Bonjour ma princesse...
    Tendrement il l’enlaça et lui donna un baiser dans le cou.
    « Hum, comme elle m’a manqué, c’est pas croyable ! »
    — Alors, ce nouveau bébé ? Y est dans la chambre ?
    Un étrange silence lui répondit. Il regarda la tablée. Ses enfants piquaient
     tous du nez dans leur assiette sous le regard d’avertissement que leur avait
     fait leur tante Marie-Ange.
    — Alors les enfants, vous avez-tu une nouvelle p’tite sœur ou bedon un nouveau
     p’tit frère ?
    Julianna crispa les mains sur la cuillère de bois. Elle était en train de faire
     épaissir du lait sucré pour en faire un blanc-manger.
    Marie-Ange se leva et s’approcha de sa sœur. Elle lui prit l’ustensile des
     mains.
    — Julianna, emmène ton mari dans la chambre.
    Julianna obéit à sa sœur, s’essuya les mains sur son tablier avant de le
     retirer et se dirigea vers la porte centrale du mur suivie de François-Xavier
     qui ne comprenait rien à ce qui se passait. Il referma la porte derrière
     lui.
    Dans la cuisine, on garda le silence. Les enfants ressentaient
     la tristesse de leur mère, le désarroi de leur père et la gêne de leur tante. On
     entendait à peine le murmure monocorde de Julianna à travers la porte, puis une
     exclamation de François-Xavier suivie d’un grand sanglot déchirant. Les enfants
     se regardèrent l’un l’autre. Jamais ils n’avaient entendu leur mère pleurer
     ainsi.
    François-Xavier sortit de la chambre, bouleversé et peiné. Il avait pris sa
     femme dans ses bras mais n’avait su trouver les mots pour la consoler. Il
     n’avait pu que l’étreindre en silence. Le choc de la nouvelle l’avait
     terriblement secoué. Pour un homme, un bébé reste irréel tant qu’il ne l’a pas
     vu… Et ce n’était pas comme si l’enfant avait vécu… Il avait laissé Julianna
     sangloter sur le lit et était sorti sans faire de bruit. Comme toujours, il
     avait pris la fuite. Il regarda ses enfants et essaya de les rassurer :
    — Maman va se reposer un peu, a l’est fatiguée mais y a rien de grave…
    Il se laissa tomber sur une des chaises, les larmes aux yeux.
    Marie-Ange coupa un gros morceau de pain à François-Xavier et le lui tendit.
     Elle lui tapota la main en signe de réconfort.
    — Après la pluie, le beau temps...
    François-Xavier la remercia du regard.
    Est-ce que sa vie ne serait qu’un perpétuel ciel de mauvais temps ? Il avait
     l’impression de vivre un éternel déluge. Il se força à feindre la bonne humeur
     autant pour rassurer les enfants que pour se convaincre que cela irait
     mieux.
    — Pis le beau temps s’en vient, décréta-t-il d’un ton faussement enjoué.
     Demain, j’vas appeler monsieur Morin à Montréal pis papa va se partir une autre
     fromagerie, les enfants ! Pis toé, mon Pierre, tu vas apprendre à faire du
     fromage !
    Les enfants rirent de soulagement. Jean-Baptiste demanda une deuxième portion
     et Laura pleurnicha pour ne pas finir son assiette comme sa tante le lui
     ordonnait. La vie continuait.

    Les enfants jouaient dehors et il restait encore une bonne
     demi-heure avant qu’ils aient à rentrer. Bien installé à la table,
     François-Xavier était penché sur ses dessins.
    Marie-Ange était sortie faire une promenade. Julianna reprisait des bas. Elle
     était revenue à la cuisine, se forçant à sourire, comme si elle n’avait jamais
     pleuré de sa vie.
    — Julianna, viens voir ! J’ai mis la dernière main sur les plans de la
     fromagerie. Elle va ressembler à l’autre comme deux gouttes d’eau.
    Julianna déposa son ouvrage et, sans grand enthousiasme, vint jeter un œil sur
     les dessins de son mari.
    — Tu penses vraiment partir une fromagerie avec monsieur

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