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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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dans la maison délabrée. Il gravit les marches à moitié
     pourries qui menaient à la galerie. Prudemment, il tassait les feuilles mortes.
     Une douleur poignante le prit lorsqu’un souvenir de lui et son père lui revint à
     la mémoire. Ils étaient là, côte à côte, debout, admirant le lac à l’aube.
     C’était l’été, Ernest venait de revenir de voyage de noces et ils s’apprêtaient
     à creuser le puits. Son père lui avait mis une main sur l’épaule et lui avait
     fait ce compliment :
    — Baptême mon fils que chus fier de toé. Tu t’es bâti une moyenne belle maison,
     un vrai château !
    — J’ai vu grand mais ça valait la peine.
    — Vaut mieux voir grand dans vie au risque d’avoir un peu moins que de voir
     p’tit pis d’avoir moins que rien…
    Il avait souri affectueusement à son père. Celui-ci avait repris en
     prédisant :
    — Tu vas devenir prospère mon gars ! La fromagerie Rousseau et fils est vouée à
     un grand avenir. Pis ta Julianna va te donner de beaux enfants, chus ben
     certain.
    Ernest avait retiré sa main et avait reporté son regard sur le paysage,
     souriant à la pensée de ses futurs petits-enfants.
    François-Xavier avait hésité.
    — Des fois, son père, j’me demande si ma femme va pouvoir être heureuse icitte,
     avec moé, sur la Pointe-Taillon. A l’arrête pas de me parler du temps qu’a
     vivait à Montréal avec sa marraine Léonie.
    À l’évocation de son épouse, les traits d’Ernest avaient révélé un tel
     bonheur ! Jamais François-Xavier n’avait vu son père si heureux.
    — C’est ben certain que là-bas c’est pas la même chose que par chez nous, avait
     dit Ernest. Tout ce que j’ai vu pendant mon voyage de noces, c’est juste pas
     croyable !
    — Racontez-moé, son père, avait-il demandé.
    — Ah mon fils, Montréal est tout un endroit à visiter. C’est ben plus gros que
     Québec pis ben plus bruyant itou ! Y a plein de gens pis des autos partout ! Pis
     les maisons, c’est pas des maisons, c’est des tours ! Y a des immeubles, y
     touchent le ciel ! Tu te casses le cou pour essayer de voir leur toit, pis tu y
     arrives même pas ! Pis presque toute est en anglais ! On a mangé dans un
     restaurant, tellement chic… pis c’étaient pas des femmes qui nous servaient mais
     des hommes ! Te rends-tu compte, des hommes avec un tablier qui nous faisaient
     des courbettes ! J’avais jamais rien vu de plus drôle !
    — Un jour, y va falloir que j’trouve le temps de faire un voyage de noces avec
     ma Julianna.
    — C’était ben parce que Léonie avait des affaires à régler à son magasin parce
     que j’pense qu’on serait restés icitte à la place.
    — Comment c’est, La belle du lac ? Julianna m’en parle tellement. Ça
     ressemble-tu au magasin général de Roberval ?
    — Eh baptême, non ! Rien à voir pantoute avec ce genre de place. Y vendent
     juste des affaires pour les créatures. Y a une grande vitrine, pis y a un
     mannequin en bois qui porte une robe pis chus entré en dedans mais c’était
     gênant… On aurait dit un beau p’tit salon chic. Dans l’arrière-boutique y a même
     une place où y prennent les mesures des femmes pis y a une couturière. Y ont une
     vendeuse aussi, mademoiselle Brassard qu’a s’appelle, a l’a des petites lunettes
     sur lebout du nez, un chignon ben serré pis a te regarde le nez
     pincé comme si tu sentais mauvais. Si t’avais vu ma Léonie ! A l’était si
     élégante, a voyait à plein de détails pis a l’a même servi une cliente en
     anglais. Une madame malcommode qui était venue au magasin se plaindre des
     coutures de sa robe ! Pis dans le bureau avec monsieur Morin, tu sais celui qui
     prend la relève au magasin, ben ils ont tant parlé chiffres que j’en étais tout
     étourdi… Tout ça pour te dire que moé aussi mon gars, j’me suis demandé si ma
     Léonie serait pas déçue d’être avec moé… Pis de toute abandonner sa vie de riche
     à Montréal pour vivre icitte…
    Ernest avait décidé de quitter le perron et se dirigeait vers la plage.
     François-Xavier l’avait suivi. Il savait que son père voulait parler
     sérieusement. Il avait attendu que celui-ci soit prêt à reprendre la parole.
     Silencieusement, les deux hommes avaient marché un instant sur la grève.
    — Léonie pis moé, avait enfin repris Ernest, on a ben parlé ensemble. Pis a m’a
     dit qu’y avait rien qui la

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