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La chevauchée vers l'empire

La chevauchée vers l'empire

Titel: La chevauchée vers l'empire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Conn Iggulden
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avait accueilli d’hommes, de femmes et d’enfants. Temüge
chargea ses serviteurs d’inscrire le nombre des prisonniers sur des tablettes
de cire, parvint à un total de cent soixante-trois mille, avec près de la
moitié mourant de faim ou de soif. Ils geignaient de peur et de désespoir
tandis qu’on les attachait avant de les exécuter et leurs plaintes parvenaient
jusqu’aux yourtes. Dans la cité, les guerriers fouillèrent chaque bâtiment
jusqu’à ce que Herat ne soit plus qu’une coquille pleine de morts. L’odeur d’une
ville après un siège était insupportable et les Mongols les plus endurcis ne
pouvaient réprimer des haut-le-cœur en sortant les corps putréfiés.
    Le soir tombait quand Temüge fut satisfait de ses comptes et
que Gengis décida que le massacre commencerait le lendemain à l’aube. Il se
retira sous sa tente pour manger et dormir, mais sa femme Chakahai vint le voir.
D’abord elle ne dit rien et, satisfait de sa présence, il la regarda tisonner
le poêle, faire du thé et réchauffer des pains sans levain fourrés de mouton
aux herbes qu’elle avait préparés le matin. Quand elle lui tendit le plat, il
lui prit la main et la sentit trembler.
    — Qu’y a-t-il ?
    Elle baissa la tête. Elle savait qu’il réagirait mieux à la
franchise qu’au silence, mais son cœur battait si fort qu’elle avait du mal à
respirer. Elle s’agenouilla devant Gengis qui, intrigué, oublia un moment sa
faim.
    — Noble époux, j’ai une faveur à te demander.
    Il tendit le bras, lui pressa la main.
    — Je t’écoute.
    Elle se força à inspirer longuement.
    — Les femmes et les enfants… Laisse-les partir. Ils
porteront ailleurs la nouvelle de la chute de la ville. Ils…
    — Je ne veux pas en parler ce soir, la coupa-t-il, lâchant
sa main.
    — Cher époux, je les entends pleurer.
    Il l’avait écoutée quand elle lui avait apporté la preuve de
la perfidie de Kökötchu. Il l’avait écoutée quand elle lui avait recommandé de désigner
Ögödei comme héritier. Elle l’implorait du regard. Il gronda, soudain furieux
contre elle.
    — Tu ne peux pas comprendre.
    Elle releva la tête et il vit qu’elle avait les larmes aux
yeux.
    — Je n’y prends aucun plaisir, poursuivit-il malgré lui.
Mais je peux faire de ce massacre un cri qui portera plus loin que je ne peux
chevaucher. La nouvelle se répandra aussi vite qu’un oiseau en vol. On dira que
j’ai exterminé toute créature vivante dans Herat, que ma vengeance a été
terrible. Mon seul nom fera trembler de peur ceux qui auraient osé se dresser
contre moi.
    — Rien que les hommes, plaida Chakahai.
    — Les hommes meurent toujours, dans une guerre. Leurs
rois n’en sont pas étonnés. Je veux qu’ils sachent que s’ils me résistent ils
mettent leur main dans la gueule d’un loup. Ils perdront tout et ne devront
espérer aucune pitié.
    Il tendit de nouveau le bras, lui prit le menton et elle
sentit le cal causé par le sabre au creux de sa paume.
    — C’est bien que tu pleures pour eux, Chakahai. Je n’en
attends pas moins d’une de mes épouses, mère de mes enfants. Mais demain le
sang coulera pour que je n’aie pas à tuer de nouveau cent fois et plus. Les
Khwarezmiens ne me versent pas un tribut parce qu’ils reconnaissent mon droit à
les dominer. Ils courbent l’échine parce que, s’ils ne le font pas, j’abattrai
ma fureur sur eux et ils verront tout ce qu’ils aiment réduit en cendres.
    Des larmes coulèrent des yeux de Chakahai et il lui caressa
doucement la joue.
    — Je voudrais pouvoir t’accorder ce que tu demandes. Mais
si je le faisais, il faudrait châtier une autre ville dans un an et une dizaine
d’autres après. C’est une terre rude, ses habitants ont l’habitude de la mort. Si
je veux les gouverner, ils doivent savoir que me résister, c’est être anéanti. Ils
doivent avoir peur. C’est le seul moyen.
    Chakahai ne répondit pas et Gengis se sentit soudain excité
par ses larmes. Il posa le plat sur le sol de la yourte, allongea sa femme sur
le lit bas à côté de lui. Elle frémit quand la bouche du khan trouva la sienne,
mais il ne sut pas si c’était de désir ou de peur.
     
     
    À l’aube, Gengis quitta Chakahai pour aller assister à la
tuerie. Il avait confié cette tâche aux tumans de ses fils Ögödei et Tolui. Vingt
mille guerriers avaient nettoyé et affûté leurs sabres mais, malgré leur nombre,
ils seraient épuisés quand ils en

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