La chevauchée vers l'empire
cette
direction plutôt que de repasser par la montagne et de franchir de nouveau le
labyrinthe de vallées. Süböteï et Djebe étaient partis pour le Nord en emmenant
avec eux le tuman de Djötchi et une ombre sinistre. On racontait à voix basse
dans les tentes l’histoire de la traque et de la mort du fils de Gengis, mais
jamais quand le khan pouvait l’entendre.
Plus de deux mois s’écoulèrent avant que les familles
découvrent au loin la pierre orange de Herat, cité construite au bord d’une
rivière. Elle se dressait sur un affleurement de granité et, aux yeux des
Mongols ébahis, semblait incroyablement ancienne. Lors des premières incursions
dans la région, Herat s’était rendue sans combattre, échangeant la vie de ses
habitants contre un tribut et une occupation. Kachium y avait laissé une
garnison de quatre-vingts hommes seulement, puis avait oublié Herat jusqu’à ce
que la ville les chasse, rendue téméraire par les victoires de Djalal al-Din.
En s’en approchant pour la première fois, Gengis fut
impressionnée par la simple masse de la forteresse. C’était un carré bâti sur
de la roche, avec des murs de plus de cent pieds de hauteur, de grandes tours
rondes au milieu et à chaque coin. Il en compta douze, toutes aussi larges que
celle qui avait accueilli à elle seule la population de Parwan. C’était un
édifice énorme pouvant abriter les milliers de personnes fuyant devant les
tumans. Gengis soupira, sachant par expérience que la victoire prendrait du
temps. Comme pour Yenking et Yinchuan, il devrait assiéger la ville et attendre
que les habitants meurent de faim.
Les portes de la forteresse étaient fermées et Gengis envoya
des officiers exiger sa reddition tandis que les guerriers commençaient à
installer leur camp. Les émissaires n’obtinrent pas de réponse et plantèrent
une tente blanche juste hors de portée des arcs ennemis. Gengis ignorait si les
habitants de Herat connaissaient le sens de ce rituel, et de toute façon il s’en
moquait. La tente blanche resterait une journée et serait suivie par la rouge
puis par la noire, promettant la mort à tous ceux qui se trouvaient dans la
forteresse.
Le lendemain, les Mongols assemblèrent les catapultes devant
les murs de la ville et la population de Herat ne réagit toujours pas. Gengis
se demanda s’ils faisaient confiance à leurs murailles ou s’ils comprenaient qu’il
ne se contenterait pas une seconde fois d’une reddition pacifique. Tendu, il
attendit que les premières pierres frappent la pierre orange, mais elles ne
laissèrent qu’une marque indistincte à l’endroit où elles l’avaient touchée.
Lorsque la toile de la tente noire s’agita dans le vent, Gengis
s’installa pour un long siège comme il l’avait fait maintes fois auparavant. C’était
la façon de faire la guerre qu’il aimait le moins, mais des forteresses comme
Herat étaient bâties pour résister à des armées comme la sienne et il n’y avait
pas de solution rapide.
Pour les familles des yourtes entourant Herat, la vie
continuait, ponctuée par le claquement des catapultes qui se faisait entendre
jour et nuit. Les femmes et les enfants abreuvaient les bêtes à la rivière
tandis que les guerriers se chargeaient de détruire la ville. Les pluies
avaient fait pousser une herbe tendre qui commençait déjà à se dessécher par
endroits sous la chaleur du soleil. Les Mongols avaient l’habitude de ce genre
de problème et, si la ville ne tombait pas rapidement, ils enverraient les
troupeaux sur des pâturages éloignés en gardant les collines proches en dernier
recours.
Gengis se reposait et de pâles cicatrices avaient remplacé
ses blessures aux bras et aux jambes. S’il pensait à Djötchi, c’était
uniquement avec soulagement : il avait enfin mis un terme à sa trahison. Après
le départ de Süböteï, le khan avait paru revigoré, déterminé à fondre sur Herat
avec ses guerriers et à reprendre le combat. Avec le temps, son épaule avait
guéri et il montait à cheval chaque jour sans tenir compte des douleurs de l’âge.
Il avait envoyé Djaghataï et Kachium assiéger la ville de Balkh, à l’est, mais
le gros de son peuple l’avait accompagné et la vue de son immense camp le
réconfortait. Sa femme Börte ne lui avait pas adressé la parole depuis qu’elle
avait appris le sort de Djötchi, mais il ne s’en rendait même pas compte. Le
monde était à ses pieds et il se sentait fort en attendant
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