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La Chimère d'or des Borgia

La Chimère d'or des Borgia

Titel: La Chimère d'or des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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l’approcher de sa bouche, de tirer plusieurs bouffées et de se renfoncer dans son fauteuil.
    Installé dans l’autre « Chesterfield », le regard fixé sur le bout de ses chaussures, Aldo lâcha la fumée du sien.
    — À ton avis ? Pour la première fois de mon existence, j’ai l’impression de ne servir à rien. C’est déprimant !
    Les deux hommes avaient déjeuné chez Adalbert, ce qu’Aldo appréciait infiniment. D’abord parce qu’il se trouvait toujours bien chez son ami dans cet appartement archiconfortable et typiquement masculin sur lequel régnait Théobald, la perle des serviteurs, parce qu’il savait tout faire et cela même dans les plus mauvais moments. Ensuite parce que, pour la première fois, il ne se sentait pas parfaitement à l’aise chez Tante Amélie. Comme à l’accoutumée la vieille dame étaitmerveilleuse, les domestiques aux petits soins, mais il y avait Plan-Crépin dont l’œil en vrille, vaguement accusateur à chacun de ses retours à la maison, le déstabilisait.
    — C’est bien ça, l’inquiétant, dit Adalbert. Tu déprimes parce que tu te sens inutile ! Or tu es quelqu’un de plutôt actif… parfois à la limite de l’agité…
    — Agité toi-même ! grogna Aldo. Cela fait une semaine que je suis ici et regarde où nous en sommes : on sait que M me d’Anguisola a été assassinée et que ses bijoux se promènent dans le vaste monde au lieu de reposer béatement sous un iceberg ; le témoin du meurtre a été attaqué, elle n’est pas morte mais ne vaut guère mieux et elle peut végéter dans le coma durant des années…
    — … par souci de son confort autant que pour assurer plus efficacement sa sécurité que dans le tohu-bohu de l’Hôtel-Dieu, on l’a transportée dans une clinique privée où le professeur Aulagnier a ses habitudes, enfin son assassin court toujours, sans que l’on ait la plus petite idée de ce à quoi il peut ressembler. Toi, tu es chargé de retrouver – une fois de plus ! – un bijou introuvable pour lequel tu n’as pas le plus minuscule fil conducteur et, pour mettre un comble à tes douleurs, ton nid douillet de la rue Alfred-de-Vigny le devient beaucoup moins grâce à l’œil accusateur dont te couve notre Marie-Angéline, quand tu pointes ton nez à l’horizon – à ce propos, tu peux t’installer ici autant que tu veux ! – comme si tu sortais tout droit du lit de Pauline…
    — Adalbert ! protesta Aldo, choqué.
    — Tu permets ? Nous autres, les Vidal-Pellicorne, avons l’habitude d’appeler un chat un chat et notre chère Pauline est devenue la bête noire de Plan-Crépin. Ce que Tante Amélie supporte aussi mal que possible !
    — Qui t’as raconté ça ?
    — Mon petit doigt ! Blague à part, tu n’as pas entendu l’autre soir, quand les Belmont sont venus dîner et que John-Augustus a déclaré qu’il n’allait sans doute pas tarder à rentrer chez lui, le ton légèrement vinaigré dont a usé notre héroïne pour lui demander s’il n’avait pas peur de laisser sa sœur toute seule exposée à toutes sortes de tentations ?
    — Oh, que si, j’ai entendu ! J’avoue que je l’aurais volontiers giflée !
    — Après leur départ, notre marquise l’a envoyée se coucher en lui conseillant vivement d’adresser une longue prière à sainte Prisca ! Je te parie qu’elle a dû la menacer de l’expédier garder les vaches au Pays basque si elle ne mettait pas un frein à ses humeurs belliqueuses !
    — Tu pourrais avoir raison. Si c’est ça, il ne me reste qu’une solution : regagner mes pénates ! Je vais écrire à Wishbone que j’ai trop à faire pour me lancer sans la plus infime indication sur une piste refroidie sans doute depuis longtemps… Comme ça, tout le monde se calmera !
    Adalbert attrapa la bouteille de vieil armagnac pour en resservir une généreuse ration dans leurs deux verres…
    — Seulement, mon pauvre vieux, tu n’as pas la moindre envie de revoir la place Saint-Marc… et le fastueux palais Morosini en laissant notre belle amie livrée seule aux entreprises libidineuses d’un gentillâtre napolitain dans le cadre enchanteur de ce bon vieux Ritz !
    Aldo s’empara de son verre et en huma le contenu. Adalbert venait d’appuyer précisément sur le point sensible. Le Ritz, justement, qui avait abrité leur unique nuit d’amour ! Et ça faisait bigrement mal ! Bien plus qu’il ne l’aurait cru !
    Comme il s’attardait à déguster l’alcool, Adalbert se pencha et

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