La Chute Des Géants: Le Siècle
déclencha,
signalant que l'encageur, au fond de la mine, avait fermé sa grille. Le
moulineur actionna un levier puis un autre timbre retentit. Le moteur à vapeur
siffla, et l'on entendit un claquement.
La cage tomba dans le vide.
Billy savait qu'elle descendait
en chute libre un moment, avant de freiner pour se poser en douceur, mais
aucune connaissance théorique préalable n'aurait pu le préparer à cette
sensation de s'abîmer dans les entrailles de la terre. Ses pieds quittèrent le
sol. Il ne put s'empêcher de hurler de terreur.
Tous les hommes s'esclaffèrent.
C'était son premier jour et ils attendaient sa réaction. Billy s'en rendit
compte. Il remarqua aussi, mais trop tard, qu'ils se cramponnaient tous aux
barreaux de la cage pour éviter de décoller. Comprendre ce qui se passait ne
suffit pas à apaiser sa peur. Il finit par serrer les dents de toutes ses
forces pour retenir ses cris.
Enfin, les freins se mirent en
prise, ralentissant la chute. Les pieds de Billy se reposèrent sur le plancher
de la cage. Il attrapa un barreau en s'efforçant de maîtriser ses tremblements.
Au bout d'une minute, la terreur s'atténua. Il était si mortifié que les larmes
lui montèrent aux yeux. Devant le visage hilare de Graisse-de-rognon, il hurla
pour couvrir le vacarme : « Ferme ta grande gueule, Hewitt, espèce de
fichu crétin. »
Graisse-de-rognon se renfrogna
immédiatement, furieux, tandis que les autres riaient de plus belle. Billy
devrait demander pardon à Jésus pour son juron, mais il se sentait un peu moins
bête.
Il se tourna vers Tommy, qui
était blême. Avait-il crié, lui aussi ? Craignant une réponse négative, Billy
s'abstint de lui poser la question.
La cage s'arrêta, l'encageur
repoussa la grille, et Billy et Tommy se retrouvèrent dans la mine, les jambes
en coton.
Tout était sombre. Les lampes des
mineurs éclairaient encore moins que les lampes à pétrole accrochées aux murs,
à la maison. Il faisait aussi noir au fond de la mine que par une nuit sans
lune. Peut-être n'était-il pas indispensable d'y voir clair pour abattre le
charbon, songea Billy. Il posa le pied dans une flaque, et baissant les yeux,
vit qu'il y avait partout de la boue et de l'eau, dans laquelle miroitait le
faible reflet des flammes. Il avait un goût étrange dans la bouche : l'air
était imprégné de poussière de charbon. Les hommes respiraient-ils vraiment
cela toute la journée ? C'était sûrement pour cette raison que les mineurs
n'arrêtaient pas de tousser et de cracher.
En bas, quatre hommes attendaient
la cage pour remonter à la surface. Ils portaient tous un coffret de cuir et
Billy reconnut les pompiers. Tous les matins, ils vérifiaient la teneur en gaz
avant que les mineurs ne commencent le travail. Si la concentration de méthane
atteignait un niveau dangereux, ils donnaient consigne aux hommes d'attendre
pour descendre que les ventilateurs aient purifié l'atmosphère.
Tout près de lui, Billy aperçut
une rangée de stalles destinées aux chevaux et une porte ouverte, qui donnait
sur une pièce bien éclairée, avec une table de travail, sans doute le bureau
des sous-directeurs. Les hommes se dispersèrent, s'engageant dans quatre
galeries qui rayonnaient à partir de la recette du fond. Les galeries, appelées
« couloirs », conduisaient aux secteurs d'abattage du charbon.
Price les dirigea vers une remise
d'outils et défit le cadenas. Il choisit deux pelles, les tendit aux garçons et
referma.
Ils se rendirent ensuite aux
écuries. Un homme vêtu en tout et pour tout d'un short et de bottes pelletait
de la paille souillée qu'il sortait d'une stalle pour la jeter dans une berline
à charbon. La sueur ruisselait de son dos musclé. Price lui demanda : « Vous
avez besoin d'un coup de main ? Vous voulez un garçon ? »
L'homme se retourna : Billy
reconnut Dai Cheval, un aîné du temple Bethesda. Mais lui ne parut pas le
reconnaître. « Pas le petit, dit-il.
— Entendu, fit Price. Je
vous laisse l'autre. C'est Tommy Griffiths. »
Tommy était visiblement content.
Il avait obtenu ce qu'il voulait. Même si son travail se limitait à vider le
fumier, il travaillait aux écuries.
« Viens par là, Billy
Deux-fois », ordonna Price en s'engageant dans un des couloirs.
La pelle sur son épaule, Billy le
suivit, encore plus inquiet sans Tommy. Il aurait préféré être affecté au
nettoyage des stalles avec son ami. « Qu'est-ce que je vais devoir
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