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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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s'efforçant de la vider dans la
berline, mais il avait mal estimé la hauteur. La pelle heurta la paroi de la
benne et s'allégea soudainement. Son chargement était tombé par terre.
    Il essaierait de mieux calculer.
Il recommença, levant sa pelle plus haut. Quand il eut renversé le fer, il
l'abaissa et sentit le manche de bois heurter le bord de la berline. C'était
mieux.
    Comme il devait s'éloigner de
plus en plus du wagonnet, il continua à manquer sa cible de temps en temps,
jusqu'à ce qu'il se mette à compter les pas tout haut. Il prit la cadence et, malgré
ses muscles endoloris, poursuivit son travail.
    Ses gestes devenant automatiques,
son esprit était libre de vagabonder, ce qui n'était pas une très bonne chose.
Il se demanda jusqu'où la galerie s'étendait et depuis combien de temps elle
n'était plus exploitée. Il pensa à la couche de terre accumulée au-dessus de
lui, plus de cinq cents mètres d'épaisseur, et à la charge que retenaient ces
vieux étais de bois. Il se rappela son frère, Wesley, et les autres hommes qui
avaient péri dans cette mine. Leurs esprits n'étaient pas là, évidemment.
Wesley était avec Jésus. Les autres aussi, peut-être.
    Il se mit à frissonner et décida
de ne pas penser aux esprits. D'ailleurs, il avait faim. Était-ce l'heure de la
gamelle ? Il n'en savait rien, mais après tout, autant manger. Il retrouva
l'endroit où il avait accroché ses vêtements, tâtonna par terre, au-dessous, et
attrapa sa bouteille et son casse-croûte.
    Il s'assit dos au mur, but une
longue gorgée de thé froid et sucré. Comme il mangeait sa tartine de graisse,
il entendit un petit bruit. Il espéra, sans se faire trop d'illusions, que
c'était le crissement des chaussures de Rhys Price. En réalité, ce couinement
lui était familier : c'étaient des rats.
    Il n'avait pas peur. Les rats ne
manquaient pas dans les caniveaux qui longeaient les rues d'Aberowen. Mais ils
paraissaient plus hardis dans le noir et, quelques instants plus tard, il en sentit
un, qui courait sur ses jambes nues. Faisant passer son casse-croûte dans sa
main gauche, il ramassa sa pelle et l'abattit violemment. Cela ne les effraya
même pas, et il sentit de nouveau les petites griffes sur sa peau. Cette fois,
une des bêtes cherchait à grimper sur son bras. La nourriture les attirait, évidemment.
Les couinements redoublèrent. Ils devaient être drôlement nombreux.
    Il se releva et fourra le reste
de sa tartine dans sa bouche. Il but encore un peu de thé, puis mangea son
gâteau. Il était délicieux, plein de fruits secs et d'amandes, mais un rat lui
grimpa le long de la jambe et il fut obligé d'avaler le reste tout rond.
    Ils avaient dû comprendre qu'il
n'y avait plus rien à manger parce que les petits cris s'atténuèrent peu à peu
avant de s'évanouir pour de bon.
    La nourriture ayant redonné un
peu d'énergie à Billy, il se remit au travail. Bientôt, une douleur cuisante
dans le dos l'obligea à ralentir la cadence et à multiplier les pauses.
    Pour se réconforter, il se dit
qu'il pouvait être plus tard qu'il ne croyait. Déjà midi, peut-être. Quelqu'un
devait venir le chercher à la fin du poste. Le lampiste vérifiait les numéros
des lampes, si bien qu'on savait toujours si un homme n'était pas remonté. Mais
Price avait pris celle de Billy. Avait-il l'intention de laisser Billy au fond
jusqu'à demain ?
    Impossible. Da ferait un sacré
foin. Les patrons avaient peur de lui – Perceval Jones l'avait plus ou
moins reconnu. Tôt ou tard, c'était sûr, quelqu'un viendrait.
    Quand la faim le reprit, il fut
certain que de longues heures s'étaient écoulées. Il commença à avoir peur et
n'arriva plus à se raisonner. C'étaient les ténèbres qui le décourageaient. Il
aurait pu supporter l'attente s'il avait vu clair. Dans ce noir absolu, il
perdait la tête. Il ne pouvait pas s'orienter, et chaque fois qu'il s'éloignait
de la berline, il avait peur de s'écraser contre la paroi de la galerie. Ce
matin, il avait redouté de pleurer comme un gosse. Maintenant, il devait
s'empêcher de hurler.
    Il se rappela ce que Mam avait
dit : « Jésus est toujours avec toi, même au fond de la mine. »
Sur le coup, il avait cru qu'elle voulait seulement lui dire de bien se tenir.
Mais elle avait été plus sage que cela. Évidemment, Jésus était avec lui. Jésus
était partout. L'obscurité n'avait aucune importance, pas plus que le temps qui
passait. Quelqu'un veillait sur

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