La colère du lac
c’qu’y a dans le salon,
mais petit à petit, on va le meubler à notre goût.
Julianna pianota mélodieusement un petit air, puis se retourna vers son
mari.
— Que c’est beau, François-Xavier, que c’est beau ! s’extasia-t-elle en
admirant la maison.
Les murs étaient lambrissés des plus belles planches de bois qu’elle ait jamais
vues, sans nœuds, sans fissures.
— Pis j’en reviens pas comme c’est grand !
— Y nous faut beaucoup de place pour nos enfants.
Il l’embrassa tendrement dans le cou.
— Allez, viens voir mon cadeau, maintenant.
Cette fois, Julianna fut entraînée jusqu’à un drôle de petit escalier tournant,
celui qui menait à la tourelle dehors, comprit-elle. À la fin des marches, il
fallait pousser une trappe, retenue par une lourde chaîne, qui s’ouvrait sur
l’extérieur. Julianna fut stupéfaite et conquise. C’était fantastique. On était
presque à la hauteur des nuages.
— C’est icitte que nous nous retrouverons, dit son mari derrière elle. Le matin
pour admirer le soleil pis nous dire bonjour, pis sous les étoiles pour nous
souhaiter une bonne nuit.
Doucement, un à un, il se mit à défaire les minuscules boutons de nacre du dos
de la robe de mariée, en partant du cou jusqu’à la taille. Il passa ses mains
par l’ouverture ainsi faite et emprisonna les doux seins de sa jeune femme dans
ses mains.
— Oh, Julianna, Julianna, tu m’aimes vraiment ?
— J’arrêterai jamais de t’aimer, même si je le voulais, je pourrais pas…
murmura la jeune femme enflammée par les caresses osées que son mari lui
faisait.
— Je comprends, maintenant, d’où vient le mot « s’épouser »… haleta Julianna.
François-Xavier Rousseau, épouse-moé… je t’en prie, épouse-moé…
Dans le train qui les menait à Montréal, Léonie n’avait de cesse de contempler
son bel Ernest. Ils avaient connu un tel bonheur cette nuit. Au début, en robe
de nuit, elle s’était approchée timidement du lit nuptial où il l’attendait.
Elle avait hésité. Elle n’avait plus le corps qui avait séduit John… Est-ce
qu’Ernest la trouverait belle ? Elle avait encore sa brosse à cheveux dans la
main, plus pour se donner unecontenance que par besoin.
Saurait-elle donner du plaisir à un homme ? Elle avait souri, gênée.
Probablement avait-il des craintes similaires aux siennes, s’était-elle dit,
non, elle n’avait pas à s’en faire. Lentement, elle s’était assise près de lui.
Ernest lui avait pris la brosse des mains et avait entrepris de la coiffer. Elle
était très fière de sa chevelure qu’elle n’avait jamais coupée. Ses cheveux
avaient grisonné et blanchi mais avaient gardé leur brillance. Après, tout
s’était fait naturellement, plein de tendresse et d’amour. Elle était bien dans
ses bras, c’était sa place. Au contraire de John, le seul amant qu’elle ait
connu, Ernest prenait son temps et semblait connaître des secrets sur son propre
corps qu’elle ignorait. Il était doux mais animal en même temps. Ils avaient
fait de ces choses ! Et elle y avait pris un tel plaisir… Ils étaient devenus en
sueur et n’avaient toléré plus aucune barrière de tissu entre eux. Ils s’étaient
offerts et n’avaient toléré aucune pudeur entre eux… Voir le regard de son mari
s’enflammer de désir pour ses seins, voir la bouche de celui-ci ouverte sur un
cri muet de plaisir… Léonie n’avait pas fermé les yeux une seule fois. Elle
s’était délectée de chaque parcelle de peau d’Ernest, le goûtant, le humant…
Elle s’était remplie de lui au plus profond d’elle-même.
— À quoi pense ma belle créature, si on peut savoir ? demanda Ernest. Tu
regrettes rien au moins, ma Léonie ? s’inquiéta-t-il soudain.
— Mon doux Seigneur non ! Il faudrait être folle pour regretter quoi que ce
soit… Chus juste ben heureuse.
— T’es ben certaine de pas te sentir coupable à cause de ta promesse ?
— T’as su m’convaincre qu’on était quittes, le Bon Dieu pis moé.
— Plus que quittes. Si y en a un qui doit à l’autre, c’est Lui en haut… Tu
mérites ton bonheur, Léonie, amplement.
— Ah, cher Ernest ! se mit à rire Léonie. J’espère que toé, tu regretteras pas
d’avoir épousé une vieille fille comme moé.
— J’ai-tu l’air d’un homme malheureux moé à matin ?
— Euh, non
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