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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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perdant toute contenance devant la profondeur des yeux verts,
     se mit à examiner la petite pièce autour de lui. La chambre était rangée, la
     courtepointe sur le lit ne présentait aucun pli, chaque objet semblait être
     disposé exactement à sa place, tout était à l’ordre, trop à l’ordre.
     Furtivement, il détailla la jeune fille restée silencieuse et qui le fixait
     toujours. Julianna elle-même était impeccable. Vêtue d’une robe noire, ses
     cheveux soigneusement lissés, elle avait un air tragique, se tenant bien droite,
     debout, près de la lucarne, les bras croisés sur la poitrine, immobile, calme,
     trop calme.
    — Y faut que j’vous parle, Julianna, dit maladroitement François-Xavier, de
     plus en plus mal à l’aise devant le mutisme de la jeune fille.
    — Vraiment ? demanda celle-ci sans broncher, soulevant à peine un sourcil. Je
     suppose que je dois vous remercier, reprit-elle en portant enfin les yeux
     ailleurs, d’être venu nous chercher à Roberval, matante pis moé. Alors merci
     beaucoup. Voilà, c’est fait.
    — Non, j’veux vous dire que chus désolé pour votre père,
     commença François-Xavier, mais Julianna l’interrompit.
    — Pourquoi ? Je suis pas vraiment triste. Je le connaissais presque pas,
     dit-elle en souriant faussement du coin des lèvres.
    — Au moins, y sera pas mort sans que vous l’ayez jamais rencontré, fit
     remarquer François-Xavier.
    — Il me devait pas mal plus que ça, vous pensez pas ? demanda Julianna, une
     colère sourde dans la voix. C’est trop drôle, continua-t-elle avec un petit rire
     sarcastique. J’ai rencontré mon père pour la première et la dernière fois cet
     été ! Vous riez pas, monsieur François-Xavier Rousseau ?
    — Non, j’ris pas. Votre père, c’était votre père, vous y devez respect, surtout
     dans la mort. Laissez-le partir en paix.
    — C’est facile à dire pour vous, monsieur Rousseau, on peut pas dire que vous
     vous compliquez ben ben la vie, vous ! s’emporta Julianna. Il est mort ? Il est
     mort ! Que Dieu le bénisse pis tant pis pour ceux qui restent derrière ! C’est
     ça que vous pensez, monsieur Rousseau, comme cet été sur le bord du lac ? Elle
     est presque fiancée ? Elle est presque fiancée ! Mes félicitations pis tous mes
     vœux de bonheur, c’est ça ?
    Il n’eut pas le temps de répondre quoi que ce soit que la jeune fille, tout en
     colère, reprit de plus belle :
    — Eh ben, c’est pas toujours comme ça que ça marche dans la vie ! Mon père, il
     m’a peut-être dit qu’il m’aimait avant de mourir, mais je lui ai pas dit, moé,
     que je le détestais pis que je me détestais de pas avoir eu le courage de le lui
     dire. Je me déteste d’avoir pris sa main, de lui avoir souri, je l’ai même
     embrassé ! Je déteste toutes ces années que j’ai passées séparée de ma famille !
     Je déteste mon père d’avoir fait ça, je déteste ma mère d’être morte en me
     mettant au monde, je vous déteste, vous, d’avoir rien fait cet été, pis je
     déteste matante Léonie dem’avoir pris bébé, pis mon père d’être
     mort… Je me déteste… j’aurais dû mourir avec ma mère !
    François-Xavier se précipita et empoigna la jeune femme déchaînée pour
     l’emprisonner solidement dans ses bras.
    — Lâchez-moé, lâchez-moé, je vous déteste tous, tout le monde !
    — Chut… Chut… fit François-Xavier en la berçant doucement, chut… Julianna,
     jolie Julianna, calme-toé… j’t’aime, moé… j’t’aime…
    À ces mots d’amour, la jeune fille releva la tête vers l’homme. Une force
     inextinguible les poussa plus près encore l’un de l’autre. Passionnément leurs
     bouches s’unirent. Une douce chaleur se coula, insidieusement, dans leur corps.
     François-Xavier ne relâcha pas son étreinte. Doucement, la gardant précieusement
     dans ses bras, il alla s’asseoir sur le bord du lit et se mit à bercer
     amoureusement la jeune fille, la couvrant de petits baisers sur le front et les
     tempes.
    — J’t’aime, Julianna, répéta-t-il, j’t’aime…
    — Moé aussi, François-Xavier, avoua-t-elle, moé aussi…
    — Julianna, si on recommençait… demanda François-Xavier.
    — Recommencer quoi ? À s’embrasser ? chuchota la jeune fille. Ce serait pas
     très convenable, mais ben tentant… fit-elle, provocante.
    — Non, dit François-Xavier, ç’a si mal débuté cet été su’a

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