La Cour des miracles
s’écria Avette en joignant les mains. Mon pauvre père.
Quant à Julie, elle était comme prostrée.
– Nous tenterons l’impossible ! dit Manfred.
– Viens ! dit brusquement Lanthenay.
– Mon cœur se brise à les voir pleurer ! sanglota Lanthenay quand ils furent dehors. Viens… je vais te montrer les dispositions que j’ai prises afin que nous soyons bien d’accord dans l’action.
Dans la Cour des Miracles, les truands préparaient des armes pour le coup de main que l’on allait tenter.
Manfred et Lanthenay parvinrent à la Conciergerie.
– Où l’exécution doit-elle avoir lieu ? demanda Manfred.
– Tu vas voir. Nous voici à la Conciergerie. Le cortège sortira par cette porte. Prenons le chemin qu’il va suivre.
Ils franchirent le pont. A droite, ils tournèrent, tout de suite, et, en quelques pas, se trouvèrent sur la place de Grève.
Là, au centre de la place, trois ou quatre hommes s’occupaient à un singulier travail : ils paraissaient édifier avec beaucoup de soins une sorte de tour carrée.
Méthodiquement, les travailleurs nocturnes entassaient de longues pièces de bois sec.
Il y avait une rangée de bois, une rangée de fagots, puis une autre rangée de bois, ainsi de suite. Cette sorte de cube s’élevait autour d’un long poteau carré qui avait été profondément enfoncé en terre.
Ces hommes, qui travaillaient ainsi, étaient les aides du bourreau. Et ce qu’ils édifiaient, c’était un bûcher.
– C’est ici qu’on veut le brûler ? demanda Manfred.
– Tu vois ! dit Lanthenay. Viens, maintenant.
Il le ramena à l’entrée du pont.
– C’est là que nous nous placerons, reprit alors Lanthenay… Voici ce qui est convenu : au moment précis où le cortège débouchera du pont, nous nous ruerons sur l’escorte… Y eût-il cinq cents gardes, nous en viendrons à bout… Nous enlevons le prisonnier et nous nous réfugions dans la Cour des Miracles… Que dis-tu de ce plan ?
– C’est le seul qui paraisse raisonnable. La réussite me paraît indubitable.
– Tu crois ? fit Lanthenay.
– Certes !
– Ah ! si cela pouvait être, ami ! Notre rôle à nous deux, sera d’arriver jusqu’à Dolet sans nous inquiéter de ce qui se passera autour de nous… Ah ! voici nos gens qui commencent à prendre position… Je commence à croire que nous réussirons ! Je doutais ! Il me semblait que nul de ces hommes ne se dérangerait… Que te dirai-je ? J’en étais arrivé à penser que toi-même tu ne pourrais arriver à temps !
– Tu vois que je suis arrivé ! fit Manfred avec un sourire.
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Chapitre 10 LA CONDAMNATION DE DOLET
L e procès d’Etienne Dolet, qui avait duré six jours, s’était terminé la veille à midi.
Le procès avait été conduit par Mathieu Orry, inquisiteur de la foi, et l’official Etienne Faye.
Mathieu Orry remplissait les fonctions d’accusateur.
Etienne Faye présidait, assisté d’assesseurs.
Etienne Dolet, debout devant le tribunal, les mains liées au dos, écoutait attentivement ce que disaient tantôt l’official Faye, tantôt l’accusateur Orry.
De temps à autre, il se tournait vers la foule et y cherchait des yeux quelqu’un qui avait suivi toutes les péripéties du procès.
C’était Lanthenay qui se rongeait de désespoir.
En effet, l’accusé était amené tous les jours dans la salle par un passage secret qui le faisait communiquer à la Conciergerie.
Il n’y avait donc eu aucun moyen de tenter d’enlever Dolet pendant le procès.
Ce jour-la, le dernier, vers onze heures du matin, Mathieu Orry et l’official se trouvaient embarrassés. Etienne Dolet persistait à ne pas avouer les crimes qu’on lui imputait.
Et la grande ressource de la question en chambre de torture leur échappait. François I er s’y était opposé.
– Donc, disait Faye, vous dites que vous n’êtes point hérétique ?
– Je ne le suis pas.
– Il l’affirme, s’écriait Orry, mais n’a-t-il pas écrit que l’homme n’est rien après la mort ? C’est là une monstrueuse hérésie, et il n’est pas besoin d’autres preuves.
– J’ai traduit Platon, répondit Dolet. Contestez-vous le droit de traduire les anciens auteurs ? Proscrivez-vous l’étude du grec ?
– Vous avez imprimé des livres scandaleux, vous avez publié une Bible en langue vulgaire.
– Les livres dont vous parlez furent déposés dans mon imprimerie : si je les avais imprimés, on
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