Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La couronne dans les ténèbres

La couronne dans les ténèbres

Titel: La couronne dans les ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
passeur attendait les clients ; c’était un grand gaillard solide et chauve, au visage buriné arborant perpétuellement un sourire édenté ; c’était aussi un marin qui comprenait l’anglais et qui accepta promptement de faire traverser le Firth of Forth à Corbett et de veiller sur son cheval et sa selle, moyennant quelques piécettes supplémentaires. Ils se retrouvèrent bientôt au milieu du Firth of Forth, Corbett assis à l’arrière de la barque et le passeur ramant avec force soupirs et halètements. Le clerc lui demanda nonchalamment si c’était lui qui avait transporté le défunt roi. Le passeur fit signe que oui, avant de détourner la tête et de cracher dans l’eau.
    — Pourriez-vous me dire ce qui s’est passé ? reprit Corbett.
    Son compagnon détourna à nouveau la tête en grognant et cracha derechef. Corbett posa alors une pièce d’or sur la planche devant lui et l’homme eut un sourire torve.
    — C’était une nuit horrible, dit-il, en relâchant les rames et en laissant la barque se balancer doucement sur l’onde, un fort vent d’est soufflait depuis des jours et faisait refluer l’eau du Firth of Forth. J’étais tranquillement chez moi, avec ma femme, lorsqu’on a frappé à coups redoublés à la porte. J’ai regardé par la fenêtre et j’ai vu deux écuyers portant les armoiries royales. Tout trempés et échevelés qu’ils étaient, ils ont gueulé que le roi d’Écosse voulait traverser le Firth. J’ai ouvert la porte et ils sont entrés, précédant le roi. Je l’ai reconnu à sa carrure, à sa chevelure rousse, à ses yeux d’aigle et son nez aquilin. Je l’avais vu plus d’une fois traverser le Firth of Forth.
    Le passeur s’interrompit et, un sourire rusé aux lèvres, se pencha pour prendre la pièce, mais Corbett sortit son long poignard de dessous sa cape. L’homme haussa les épaules en riant.
    — Je suis tombé à genoux devant le roi, mais il m’a ordonné de me relever et de préparer ma barque. J’ai bien essayé de le raisonner, mais il m’a demandé si j’avais peur de mourir. J’ai dit que oui, mais que j’étais prêt à mourir en sa compagnie.
    — Qu’a fait le roi ? s’enquit Corbett.
    Le passeur grimaça.
    — Il a hurlé de rire et m’a jeté sa bourse. Alors je suis allé sortir ma barque.
    — Le roi était-il ivre ? demanda posément Corbett.
    — Non, dit l’homme. Il avait beaucoup bu, mais il n’était pas saoul.
    — Ensuite ?
    — Je les ai transportés de l’autre côté, lui et ses deux écuyers. J’ai attendu jusqu’au matin, puis je suis revenu à la maison.
    — Pourquoi attendre jusqu’au matin ?
    — A cause de la tempête, fut la réplique caustique du passeur. Un des nôtres est mort cette nuit-là, Simon Taggart.
    Il désigna le rivage qu’ils venaient de quitter.
    — On a retrouvé son corps près de la rive. Noyé. Sa veuve dit que lui aussi a essayé de traverser le Firth of Forth cette nuit-là et qu’il en est mort.
    Détournant la tête, il cracha dans l’eau.
    — Pauvre vieux ! Il aurait dû être plus prudent !
    — Donc, quelqu’un d’autre a traversé cette nuit-là ?
    Le passeur haussa les épaules.
    — Pas nécessairement ! Simon a pu vouloir transporter de la marchandise. De toute façon, on meurt beaucoup dans le Firth of Forth.
    — Quand vous avez atteint l’autre côté, insista Corbett, avez-vous vu ou entendu quelque chose d’étrange ?
    — Quoi, par exemple ? demanda sèchement l’homme. Qu’est-ce qu’il aurait dû y avoir ? Non, poursuivit-il, lorsque nous sommes arrivés près du bord, le roi, suivi de ses écuyers, a sauté du bateau et a pataugé jusqu’à la rive. Quelqu’un l’y attendait. J’ai entendu des gens parler et des chevaux bouger et hennir. Et puis, il est parti. Quand j’ai traîné ma barque hors de l’eau, il n’y avait que le sénéchal, complètement trempé, qui maudissait bien fort les folles escapades du roi.
    — Et ensuite ? l’interrompit Corbett.
    — Ensuite, rien ! Le sénéchal a disparu dans la nuit, j’ai bien amarré ma barque et je suis allé dormir dans une cabane.
    — C’est tout ?
    — C’est tout ! répliqua-t-il fermement avant d’empoigner les rames et de souquer ferme vers le lointain rivage.
    Le clerc se pelotonna à l’arrière, tentant d’oublier le roulis et de se concentrer sur ce qu’il venait d’apprendre. Lorsqu’ils accostèrent enfin, le passeur lui indiqua

Weitere Kostenlose Bücher