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La couronne et la tiare

La couronne et la tiare

Titel: La couronne et la tiare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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passer au loin. Daniel Goussot, l’armurier, et sa fille avaient joyeusement salué leur revenue.
    –  Je n’ai vu, messire, dit-il, ni Navarrais ni Goddons.
    – Vous n’êtes point comme Jean le Mercier. Il revient lui aussi du pays de Sapience. Ses gens et lui-même ont dû dégainer pour se libérer par deux fois d’une truanderie dont ils ignorent l’appartenance… Une affaire d’otagerie concernant Louis d’Harcourt, d’après ce qu’on dit 1 .
    – Alors, on dit mal, messire. Cette affaire concerne deux cités appartenant à Louis d’Harcourt… Je ne saurais vous dire leur nom…
    – Vous me semblez au fait de bien des choses ! Quel dommage que la mémoire vous fasse soudain défaut. Un vieil homme tel que moi, aime à se pourlécher de quelques rumeurs… bénignes 2 . Où étiez-vous ?
    – A Gratot, près de Coutances, chez messire Ogier d’Argouges.
    –  L’ancien champion du roi Philippe !… L’on m’avait dit qu’il était mort !
    – Il avait fait retraite à l’abbaye de Hambye.
    – La tonsure ?
    Non… Il n’était qu’un cénobite assez particulier.
    – Quiconque s’est coiffé du heaume et du bassinet au-dessus de la cale (184) ne saurait supporter la coule !
    Assez fier de jouer des mots, Boucicaut rit un bon coup – pour deux, se dit Tristan, qui se contenta d’un sourire. Il dut reculer et s’appuyer au mur afin de céder le passage à un homme à cheval, vêtu de bure mais botté comme un chevaucheur.
    – Qui est-ce présomptueux ? Il a failli me renverser.
    – Pierre Chauvel, clerc des arbalétriers du roi. Peut-être ira-t-il lui aussi en Avignon. Car vous en serez… Votre nom a été prononcé par le roi et son fils.
    – J’en serai.
    – S’il vous fallait partir pour la Terre Sainte ?
    – Si le roi le voulait, je le voudrais aussi.
    Ils étaient maintenant dans la cour. L’énorme donjon rond les dominait. Des chevaux tiraient des chariots de pierre et, tout comme à Vincennes, les gens des corporations bâtissaient, chantaient, hurlaient.
    – Ce sera beau quand ce sera fini. Mais verrons-nous la fin ? Vous peut-être, pas moi… Et je vous en fais confidence : je suis d’un âge que les grandes chevauchées rebutent… Je n’ai plus qu’une ambition… dont je laisse le soin à mon fils.
    – Laquelle, messire, si ce n’est messéant de vous le demander…
    – Fonder l’Ordre de la dame blanche à l’écu vert pour défendre les femmes et les filles des chevaliers en l’absence de leurs époux et de leurs pères… Bah ! Si je n’y parviens, mon fils réussira.
    Et là-dessus, l’ancien maréchal de France dont la devise était Ce que vous voudrés s’éloigna sans se retourner.
    Un moment, Tristan considéra les grandes orgues de pierre blanche qui – certaines chapeautées d’un éteignoir d’ardoise – montaient à l’assaut du ciel ; puis le donjon nommé la Grosse Tour, rond, immense. Un fossé sec le défendait, garni d’un pavement que nettoyaient deux femmes armées d’un balai de bruyère. Devant les bâtiments adventices réservés à la garnison, des sergents conversaient avec un homme grand, épais, vêtu d’un jaque noir, de chausses et de heuses crottées. Il s’exprimait avec de grands mouvements. Foulant d’un pied hâtif le sable de la cour, Tristan s’approcha, le cœur battant :
    « On dirait Tiercelet ! »
    L’homme se retourna. Ce n’était pas le mailleur de Chambly, le protecteur d’Oriabel mais un barbu au visage las, consterné par quelque malheur.
    – Connais-tu ce chevaucheur ? demanda Tristan au vougier affecté à la surveillance d’une demi-douzaine de roncins et coursiers.
    – Ce que je sais, c’est que c’est un message 3 d’Arnoul d’Audrehem. Nous sommes le dernier jour de juillet…
    – Je sais cela. Où veux-tu en venir ?
    – Ce chevaucheur est parti de Clermont, en Auvergne, pour venir annoncer au roi et à son fils Charles qu’il y a une semaine, les gens du royaume et les routiers de Brignais ont signé un traité de paix 4 .
    –  De paix !
    Tristan faillit s’ébaudir. Que croyaient-ils, les négociateurs du royaume ? Que ces démons de Tard-Venus respecteraient leurs engagements ? Il eût aimé connaître les clauses d’un tel accord.
    – Le roi est-il présent ?
    –  Oui… et son fils également.
    Remerciant le vougier d’un geste, Tristan piéta vers la Grosse Tour.
    La plupart des privilégiés admis au Louvre avaient

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