Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
mère, l'hôtelière pénétra et s'enquit d'un ton allègre :
    – Que puis-je pour vous bien servir, ma mère ?
    Incapable de prononcer un mot, Plaisance la fixa, retenant ses larmes. Ses mains enserrèrent les poignets de sa fille. Le doute se peignit sur le visage rond. Puis l'alarme envahit le chaud regard marron, fronçant les sourcils en broussaille.
    – Votre silence m'inquiète, ma mère… Aurais-je commis…
    – Non pas, l'interrompit l'abbesse, baissant les yeux, incapable de garder son regard.
    La jeune fille réunit ses forces et déclara dans un murmure :
    – Marguerite, ma bien chère, préparez-vous au pire. Pardonnez-moi. Il s'agit de Rolande.
    L'incompréhension se peignit sur les traits de l'hôtelière. Elle hésita :
    – J'ai bien remarqué son absence au souper. Sans doute avait-elle des comptes à terminer. (Soudain, sa voix se tendit :) Serait-elle malade ? De grâce, informez-moi, ma mère.
    Les mots sortirent de Plaisance avec brutalité, sans qu'elle les souhaite.
    – Elle est trépassée, Marguerite.
    Un sourire incertain trembla sur les lèvres de la femme. Elle bafouilla :
    – Votre pardon, ma mère ? Je ne… je ne comprends pas ce…
    – Morte. Assassinée, comme Blanche.
    La jeune abbesse songea que, jamais, dût-elle vivre mille ans, elle n'oublierait ce regard. Un regard immense, vide. Et puis, le désespoir déferla, remplissant le regard. Le sang quitta le visage de Marguerite. Elle se débattit avec brusquerie, se défaisant de l'étreinte amie qui enserrait ses poignets. Un gémissement continu monta de sa gorge et Plaisance fut certaine qu'elle ne l'entendait pas. Le gémissement crût en ampleur pour se transformer en hurlement. Puis le hurlement se brisa net. Un silence de dévastation le remplaça.
    Plaisance était figée, incapable d'un geste, d'un mot. Lorsque Marguerite s'effondra au sol, lorsqu'elle perçut le choc sourd de son corps sans conscience contre les dalles, elle demeura là, immobile, certaine que toute vie venait de s'enfuir. À jamais.
    1 La légende voulait, notamment dans le centre de la France, que les filles nées de fées soient très belles et héritent des pouvoirs de leur mère. En revanche, leurs fils étaient fort laids, souffraient de difformités et étaient dépourvus de pouvoirs. Les fées étaient donc réputées pour substituer leurs nouveau-nés mâles à ceux d'humaines, lorsqu'elles trouvaient les enfants jolis.
    2 Ou encore « verterelles » ou « vertenelles ». Pièces métalliques en forme de boucle maintenant les verrous d'une porte.
    3 Contrairement à la légende, l'Église prohibe les mariages imposés aux filles. Cela étant, il était très difficile aux jeunes filles d'aller à l'encontre de la volonté paternelle, sauf à rejoindre un couvent.
    4 Mauvais cheval maigre. Par extension, femme sèche et désagréable.
    5 Soupe épaisse de feuilles de blettes au persil et au fenouil, dont on a omis le porc pour les jours maigres.
    6 Raconter des mensonges dans le but de tromper.
    7 Pupitres d'écriture. De taille variable, certains sont portatifs. Ils sont équipés d'un banc ou de pieds.
    8 Qui se donnent à Dieu, très souvent avec leurs biens. AuXIVe siècle, les oblats sont souvent des enfants confiés aux monastères par leur famille, par piété ou par nécessité. La plupart y sont instruits puis deviennent moines ou moniales. Cependant, des oblats adultes et aristocrates rejoignent souvent la vie monastique afin d'y terminer leurs jours.
    9 Tapisseries que l'on suspend aux murs, notamment derrière tables et bureaux.
    10 Le chiffre 13 a une connotation totalement maléfique au Moyen Âge.

Abbaye de Dame-Marie,Perche, février 1308, cette même nuit
    Plaqué contre le mur d'enceinte, la longue corde terminée d'un grappin jetée à ses pieds, une bougette passée en bandoulière, Urdin attendait. Il passa le dos velu de sa main sur ses lèvres givrées que le froid avait fendillées. La marche avait été longue et pénible depuis les Clairets. Le fin pelage qui lui couvrait le corps ne lui apportait pas plus de protection contre la froidure que les hardes qu'il avait empilées les unes sur les autres avant de sortir par la porterie des Fours. Seules les peaux de lapins dont il avait fourré les chausses d'épais cuir récupérées sur le cadavre du montreur lui procuraient un peu de confort. Quel gâchis quand on y songeait. Il n'était pas humain aux yeux des autres et pourtant, il ne

Weitere Kostenlose Bücher