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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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sortir par la porterie des Fours et rejoindre le monticule de rocs dans lequel se dissimulait l'entrée extérieure du souterrain des Clairets. Le nain était si fier du vilain tour qu'il avait joué à la portière en réalisant un double. Il méritait bien qu'on célèbre sa finauderie en l'utilisant. Les portes closes insupportaient l'homme-loup. Autant d'exaspérants obstacles entre Claire et lui.
    Progressant courbé, la flamme de sa torche léchant la voûte basse, Urdin avança avec précaution. D'énormes rats qui prospéraient dans cet univers d'ombre lui filèrent entre les jambes. Certains le considérèrent avec une curiosité méfiante avant de décamper. Urdin les rassura à voix basse. Après tout, peut-être les rongeurs percevaient-ils qu'il s'était nourri d'eux durant des années. Une chair plaisante, qui évoquait celle d'un poulet, et permettait de confectionner des bouillons peu gras.
    Le sol devint visqueux et ses chausses glissèrent. Les pénibles relents qu'avait mentionnés Éloi crûrent en intensité jusqu'à devenir suffocants. Il se trouvait sous le monastère. La vase traîtresse qui ralentissait sa marche n'était autre qu'un sédiment d'excréments mêlés de détritus d'aliments en putréfaction. Il parvint enfin dans l'avenue centrale décrite par le nain, assez haute et large pour permettre le passage d'un fardier capable d'apporter les matériaux de construction, voire, lors d'attaques, de sauver les précieuses possessions des moniales. Une épaisse couche de moisissure, d'un marron verdâtre, recouvrait les murs de larges pierres, au point que l'on distinguait à peine la maçonnerie ou l'emplacement des anneaux rouillés destinés aux torches. Par instants, un clapotis signalait la fuite d'un rat ou l'évacuation d'un lieu d'aisance. Enfin, l'entrée du boyau qui menait à la salle située derrière les caves se dessina dans la lumière vacillante de son flambeau.
    Il entra à pas de loup. Après tout, il était un loup. Un loup coincé au milieu d'humains qui ne rêvaient que de lui planter des piques dans les flancs, de le dépecer vivant, de se pavaner avec sa gueule en chapeau. Petits êtres peureux et incapables qui s'unissaient en horde pour abattre un seigneur de la forêt. Qu'ils y viennent. Il vendrait sa peau chèrement. Les loups avaient peur des hommes, et puis ils ignoraient tout de leurs ruses perfides. Pas lui. Même s'il détestait cette humanité qui l'alourdissait, il était aussi rusé, menteur, tricheur que les hommes. Plus encore, puisqu'il devait lutter contre eux depuis sa naissance. Plus encore, puisque maintenant, il protégeait Claire d'eux.
    Elle ressemblait à une fée. Éloi ou Sidonie avaient dû se débrouiller pour lui laver les cheveux. Ils moussaient autour de ses épaules comme un tendre nuage. Où le nain avait-il dérobé cette magnifique robe d'épais brocart, un peu trop grande pour elle mais qui la faisait ressembler à la princesse d'un donjon ? Sans doute dans la penderie réservée aux vêtements des riches oblates 8 qui rejoignaient les Clairets. Un somptueux mantel de couleur violine, doublé de renard, était jeté sur ses épaules trop maigres. Une fourrure réservée à une dame de haut. Elle le méritait. Rien ne se trouvait au-dessus d'elle. Étrangement, ce furent les petits souliers de cendal à talons qui renversèrent le cœur de l'homme-loup. Si mignons, si précieux. Il n'avait jamais vu Claire que les pieds nus ou enveloppés de bandes de grosse toile à l'hiver, ou encore de peaux de lapin ou de bique, si mal tannées qu'elles puaient la charogne. Ces choses, si incongrues à ses yeux, si magnifiques, si inutiles, brodées de fil d'argent et d'or, le bouleversaient au-delà de l'entendement. Des souliers ! Sa Claire portait des souliers de gente damoiselle de château ! Quelle merveille. Grâce à Éloi et à Sidonie, qui n'avaient pas leur pareil pour escamoter tout ce qu'ils pouvaient trouver, sa princesse ressemblait enfin à une vraie princesse.
    Elle était absorbée dans un jeu de tarots. Qu'en voyait-elle au juste ? Le bout de ses doigts était-il capable de déchiffrer les lames complexes ? Après tout, le montreur la forçait à prédire l'avenir aux badauds des foires qui gobaient ses prophéties grotesques comme parole d'Évangile. Les oracles ne variant que de sexe, en fonction de son interlocuteur : « De l'argent, je vois beaucoup d'argent », puisque les deniers sonnants et trébuchants sont ce

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