La dame de Montsalvy
sourire.
— Oh ! Madame est... oh ! Quel honneur !... Et tu laisses Madame debout, Amandine ?... Vite, un siège, un...
— Il ne s'agit pas de cela ! Je ne suis pas venue visiter la maison ni vous faire la conversation. Je veux voir mon oncle et sur l'heure !
— Nous comprenons bien, noble dame... et ce serait pour ma pauvre sœur et moi-même une vraie joie de vous conduire à lui...
seulement il est pas là !
— Pas là ? Où est-il donc ?
— Probablement à sa maison de Marsannay. Les vendanges approchent, vous savez, et le père Mathieu...
— Cela vous gênerait de dire maître Gautherin ! s'écria Loyse outrée des façons du bonhomme.
— Bon, maître Gautherin si ça peut vous faire plaisir ! C'est un si bon ami pour nous...
Catherine nota mentalement que Philibert mentionnait l'oncle Mathieu comme un simple ami alors qu'elle avait craint jusque-là que la belle Amandine se fût fait épouser. Heureusement il n'en était rien...
— Vous devriez pousser jusqu'à Marsannay, continuait Philibert quand une nouvelle voix se fit entendre à l'entrée de la boutique.
— Ce n'est pas la peine, il n'est pas à Marsannay. Cela fait au moins trois mois qu'il n'y a pas mis les pieds !
Celui qui venait de parler était un petit homme mince et fluet que Catherine reconnut aussitôt comme étant un ancien ami et voisin de son oncle, un maître tailleur qui possédait aussi une maison de vignes dans la Côte. Elle alla vers lui avec un joyeux sourire.
— Maître Duriez ! Je suis si heureuse de vous revoir ! Comment vous portez-vous ?
La figure chagrine du petit tailleur, prolongée d'une barbe follette, s'éclaira soudainement.
— Par Notre-Dame ! Mais c'est Catherine !... La petite Catherine !
Que te voilà grande ! Mais toujours aussi belle ! Que je t'embrasse !...
Il s'élançait déjà vers elle quand, soudain, il s'arrêta, devint tout rouge et baissa la tête.
— Oh, je vous demande pardon, noble dame... j'étais si heureux de vous voir... je m'attendais si peu... j'ai oublié...
— Rien du tout ! Et moi je n'ai pas oublié ! Embrassez-moi, maître Duriez et laissez la noble dame de côté. Pour vous je suis toujours Catherine. Ne changeons rien à nos habitudes.
Sous l'œil amusé de Gauthier et celui vaguement scandalisé de Bérenger qui commençait à trouver que tous ces gens de peu en prenaient bien à leur aise avec sa noble maîtresse, le tailleur et la jeune femme s'embrassèrent avec enthousiasme.
— Ah ! fit maître Duriez, tu ne peux pas savoir ce que je suis heureux que vous vous soyez enfin décidées, les femmes de la famille, à venir voir un peu ce qui se trame ici ! Quand on m'a dit qu'on avait vu arriver Loyse, je suis venu pour lui prêter main-forte et voilà que toi aussi tu es là ! C'est trop de bonheur !... On va peut-être enfin savoir ce qu'est devenu ce pauvre Mathieu !...
— Que voulez-vous dire ? intervint l'abbesse. Il y a longtemps que vous ne l'avez vu ?
— Que trop longtemps ! On a cessé de se voir depuis que votre mère est partie, chassée par cette femme, et qu'il a rouvert le magasin pour elle. À cette occasion, nous avons eu... des mots ! J'ai essayé de lui dessiller les yeux, de lui faire entendre raison ! Mais il ne voulait rien écouter. Il était coiffé de cette Amandine ! gronda-t-il en désignant d'un doigt tremblant de colère ladite Amandine qui frémissait et semblait sur le point de se jeter sur lui. Il n'y en avait que pour elle ! Les vieux amis ne comptaient plus.
— Et c'est ce qui vous gênait, hein ? cria la femme incapable de se contenir plus longtemps. Et ça vous gêne toujours que le Mathieu il m'aime ! Seulement vaudrait mieux en prendre votre parti parce qu'on va bientôt s'épouser ! Je serai la maîtresse ici et à Marsannay, et partout, vous entendez ?
— Tu l'es déjà, Amandine ! T'es chez toi ici, brailla le frère en contrepoids. Et vous autres, vous allez en sortir, et plus vite que ça, les nièces, les vieux copains, les larbins et tout le saint-frusquin ! J'
vous ai assez vus et vaut mieux pour vous que j' me mette pas en colère.
Il avait saisi sur le comptoir la grande mesure en bois qui servait à auner les tissus et, la brandissant au-dessus de sa tête comme un bâton, s'avançait menaçant sur le groupe mais déjà Gauthier avait tiré son épée et se jetait en avant faisant aux deux femmes un rempart de son corps.
— Pose ça ! ordonna-t-il. Tu fais trop de bruit pour avoir la conscience
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