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La dame de Montsalvy

La dame de Montsalvy

Titel: La dame de Montsalvy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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hissés au trône mais aussi la décence et la discrétion et il n'était personne, à la Cour, qui ne comprît la passion de Philippe. Comment vous résister ? Les peintres même faisaient de vous Notre-Dame d'Occident ! Mais à présent...
    — Eh bien ?
    Jacques haussa les épaules avec emportement :
    — A présent?... Savez-vous que l'on a pu voir notre grand duc besognant des servantes sur des coffres ou dans des coins sombres ?
    Un tétin un peu insolent, un joli cul et le voilà qui déraisonne ! Quelle pitié !
    — Mais... la duchesse, dans tout cela ? demanda Catherine un peu interloquée par ce débordement d'amertume.
    — Elle ? Elle est bien trop haute dame pour descendre à des scènes ou même à des reproches. Elle élève son fils, le jeune comte Charles, à qui elle s'efforce d'apprendre la continence... et elle prie ! Mais sans grand espoir d'être entendue. Quand on est mariée à un bouc en folie, il faut bien se faire une raison.
    Il y eut un silence que le capitaine meubla par un soupir et par une visite à son dressoir où il se versa un plein gobelet de vin qu'il avala d'un trait sous l'œil pensif de sa visiteuse.
    — Vous l'aimiez autrefois, reprocha-t-elle doucement. Alors pourquoi, maintenant...
    Il se retourna vers elle aussi brusquement que si une guêpe l'avait piqué.
    — Pourquoi je vous dis tout cela ? Vous en venez à penser que je le hais n'est-ce pas ? Eh bien non, ce n'est pas cela. Je ne le hais point et même je suis toujours prêt à mourir pour lui aujourd'hui, demain, tout de suite. Mais, au moins, qu'il m'en donne l'occasion, bon Dieu !

    Qu'il nous laisse le servir, l'entourer, nous battre auprès de lui, nous, les Bourguignons de vieille Bourgogne, au lieu de nous laisser croupir au fond de nos châteaux, comme de vieilles femmes inutiles tandis qu'il ne souffre autour de lui que ses Flamands bouffis de graisse et de vanité ! On a vu, à Calais, le beau résultat de cette préférence !
    — À Calais ? fit Catherine à qui ses propres affaires n'avaient guère permis de s'occuper beaucoup de la politique intérieure bourguignonne. Que s'est-il donc passé ?
    Jacques lui jeta un regard courroucé :
    Vos montagnes d'Auvergne doivent être bien hautes, madame de Montsalvy, pour que vous ignoriez notre honte. A la belle saison, le duc Philippe a voulu reprendre Calais aux Anglais, poussé par les marchands de Gand et de Bruges dont le commerce des laines souffre depuis la paix d'Arras. Et il est allé tenter l'aventure avec ses Gantois et ses Brugeois qui pensaient, dans leur outrecuidance, faire bon marché de la puissance anglaise. A aucun prix les hommes de Picardie ou de Bourgogne ne devaient prendre part à l'affaire. Seulement «
    messeigneurs de Gand ou de Bruges » comme ces faquins osent s'intituler. La raison en était simple : ils espéraient beau pillage et ne voulaient pas partager. Mais le résultat a été piteux car, voyant qu'ils ne venaient pas à bout de l'ennemi « messeigneurs de Gand et de Bruges » ont tourné casaque, refusé d'entendre les prières... oui, les prières, vous m'entendez bien, Catherine, cria Jacques dans une soudaine explosion de rage, de leur seigneur et s'en sont retournés chez eux, traînant à leur suite le duc désespéré à qui ces beaux messieurs n'avaient même pas permis d'attendre l'arrivée du duc de Gloucester qui, cependant, l'avait défié ! Voilà où nous en sommes !
    Voilà où nous conduisent les préférences stupides de Philippe le Bon !
    Il n'est pas un chevalier en Bourgogne qui ne se ronge les poings jusqu'au sang quand le nom de Calais vient à son esprit. Et pendant ce temps moi, moi, Jacques de Roussay, capitaine de cent lances, je n'ai rien d'autre à faire qu'à garder un petit roi qui, tout le jour, écrit des vers, peint des images ou regarde voler les oiseaux dans le ciel. À le garder... et à boire !
    En conclusion de son discours furibond, Roussay s'octroya une nouvelle rasade de vin nuiton. Catherine le laissa vider son gobelet puis, très doucement, murmura :
    — Le roi René a été mis à si forte rançon qu'il représente un trésor, ami Jacques. Ce n'est pas si méprisable fonction que garder un trésor. Cela prouve au moins la confiance que met en vous le Duc. Et j'imagine que vous vous acquittez de votre tâche au mieux.
    — Oh, pour être bien gardé, il est bien gardé ! ricana le capitaine.
    Aussi sévèrement qu'un criminel à cette différence qu'il n'est pas dans un

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