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La dame de Montsalvy

La dame de Montsalvy

Titel: La dame de Montsalvy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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grand, très brun, très autoritaire et très beau en dépit d'une grande blessure qui lui gâtait la moitié du visage », sa description fit battre plus vite le cœur de Catherine. Ce ne pouvait être que son époux.
    D'ailleurs, Montsalvy avait posé à peu près les mêmes questions que Chazay, reçu les mêmes réponses puis, sans daigner donner la moindre indication sur sa destination, il était parti sous la pluie violente d'une aube automnale, très certainement dans la direction du Luxembourg...
    Il n'y avait rien d'autre à faire que suivre le même chemin. Et l'on se remit en route, abandonnant l'eau bleue de la Moselle que le ciel d'hiver ne grisonnait qu'à peine pour se jeter vers l'Ardenne à travers l'ondulement paresseux des bassins lorrains où, sous la croûte de neige, se montrait au creux des profondes ornières une terre grasse et rouge d'où un jour surgirait le fer que les Romains déjà avaient su exploiter aux alentours de Nancy.
    Bientôt, ce fut la forêt, âpre, épaisse, l'Ardenne dense et noire, domaine à peu près inviolé des grandes hardes de cerfs, des sangliers énormes, des sorcières et des fées dont se peuplaient passionnément les multiples légendes, avec ses pentes abruptes de rochers schisteux et l'élancement écrasant de ses sapins plusieurs fois centenaires. Si sombre, si redoutable que s'y arrêtait la folie des hommes et qu'au seuil de ses profondeurs mystérieuses le soudard, l'homme de guerre hésitait, se signait comme l'eût fait l'enfant que chacun d'eux gardait bâillonné au fond de son âme noire et cherchait un chemin plus large, une route plus dégagée pour forcer ce dangereux bastion.
    Les rares hameaux y étaient pauvres, isolés, glacés par les vents d'hiver qui faisaient grincer la forêt après avoir balayé de leur souffle coupant le haut plateau et avant de se glisser avec un sifflement sinistre dans les fentes rocheuses des étroites vallées. Le silence hivernal y était plus pesant que dans les vastes plaines et si profond qu'il permettait de percevoir la fuite rapide d'un lapin ou d'un écureuil apeurés par le pas cependant assourdi des chevaux...
    Le 21 décembre, jour de la Saint-Thomas, on arriva en vue d'Arlon étagée sur sa colline et dominée par la masse imposante du château des ducs de Luxembourg. C'était un très puissant château, avec des courtines épaisses et des tours vertigineuses. De nombreux soldats aux armes luisantes en assuraient la garde et, au plus haut du donjon, la bannière ducale qui claquait contre le ciel gris faisait voisiner le lion rouge couronné de Luxembourg avec l'aigle noir de l'Empire.
    Arrêtés un instant au bord de la vallée d'où jaillissait la ville, Catherine et ses compagnons contemplèrent le spectacle qu'elle offrait avec l'impression bizarre d'avoir changé de monde. Cela tenait à de simples détails, à l'accent rude de la patrouille rencontrée au sortir de la forêt et dont ils avaient eu quelque peine à se faire entendre, à la langue différente, à la forme des vêtements, des armes et des coiffes de femmes. L'odeur même de la fumée qui s'échappait des toits leur paraissait autre.
    — Croyez-vous que nous parviendrons à nous faire admettre dans ce château ? demanda Bérenger. Il est tellement imposant, j'ai bien peur que ce ne soit guère facile.
    — Tels que nous voilà faits, sans aucun doute ! fit Gauthier avec un regard à leurs vêtements fripés, à leurs houseaux maculés de boue.
    Mais je gagerais que dame Catherine, une fois toilette faite, n'aura guère de peine à obtenir audience.
    Catherine ne répondit pas. Son regard scrutait la volée de toits fumants qui semblaient grimper à l'assaut de la colline vers la flèche d'une église, cherchant à deviner lequel d'entre eux abritait Arnaud, écoutant le rythme de son propre cœur pour deviner s'il allait s'accélérer secrètement... Mais à sa muette question il n'existait pas de réponse possible, tout au moins pour l'instant présent. Avec un léger haussement d'épaules qui ne s'adressait qu'à elle-même et qui pour les deux garçons ne correspondait à rien, elle murmura :
    — La nuit commence à tomber. Il nous faut entrer dans la ville avant que les portes ne se ferment et nous mettre en quête d'une bonne auberge. Ce soir la seule chose à faire est nous reposer...

    Et, tournant la tête de son cheval vers la gueule noire d'une porte montrant les longues dents de sa herse relevée, elle s'avança hardiment

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