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La Dernière Année De Marie Dorval

La Dernière Année De Marie Dorval

Titel: La Dernière Année De Marie Dorval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Dumas
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charité était placée depuis
quelques jours au chevet de l’enfant. Dorval paraissait l’avoir
prise en grande amitié.
    Son cœur, éminemment tendre, était accessible
à tout ce qui venait de Dieu, ou allait à Dieu.
    On les laissa seules, et l’on se réunit dans
la chambre de M. Merle, qui, dès cette époque, gardait déjà le
lit.
    Cependant, Luguet n’y put tenir longtemps. Il
alla écouter à la porte où l’enfant mort était resté dans son
berceau, et où, près de ce berceau devenu cercueil, se tenaient la
sœur de charité et Dorval.
    Il lui sembla entendre rire et chanter.
    Ce ne pouvait être la sœur, c’était donc Marie
qui riait et chantait.
    Une idée terrible lui traversa le cerveau.
Était-elle devenue folle ?
    Il entra.
    Dorval, en effet, riait et chantait : la
sœur de charité, effrayée, la lui montra du doigt.
    Elle avait l’air d’ignorer complétement ce qui
s’était passé, elle ne se tournait pas plus du côté du cadavre de
l’enfant que d’un autre côté, et en voyant Luguet, elle ne lui
parla que de la dernière pièce qu’il avait jouée au
Palais-Royal.
    Cet état dura trois jours.
    On ne pouvait croire que le pauvre petit fût
mort. Le père et la mère venaient voir à chaque instant s’il ne
s’était pas réveillé du sommeil terrible.
    Enfin, le troisième jour, il fallut songer à
l’ensevelir.
    Ce fut la grand’mère qui le mit au linceul,
mais sans larmes, sans cris, sans sanglots, le rire sur les lèvres,
comme si elle lui eût passé sa robe des dimanches pour l’emmener à
la promenade avec elle.
    On apporta la petite bière toute matelassée à
l’intérieur.
    Dorval y coucha l’enfant comme dans son lit,
lui chantant la chanson dont elle l’avait bercé autrefois.
    Hélas ! comme on le voit, cet autrefois
était bien proche encore.
    Le père se tenait debout, silencieux et
pleurant, ayant à la main un marteau et des clous.
    Quand l’enfant fut couché dans sa bière, le
père écarta doucement Dorval, reposa le couvercle sur le cercueil,
l’enleva pour embrasser une dernière fois l’enfant, le reposa de
nouveau et frappa le premier coup.
    À ce premier coup, Dorval jeta un cri, comme
si le clou venait de lui entrer dans le cœur.
    Puis elle se précipita, repoussa Luguet,
arracha le couvercle de la bière et se coucha sur l’enfant, les
bras étendus comme Jésus essayant sa croix, avec des cris, des
sanglots, des gémissements tels qu’il n’en sort que du cœur des
mères.
    On la crut sauvée.
    C’était le commencement de son agonie, agonie
du cœur qui tua le corps, agonie qui devait durer juste un an.
    Les prêtres vinrent, les fossoyeurs enlevèrent
l’enfant, toute trace de cette jeune vie disparut, la douleur seule
resta sous les traits d’une mère pliée, brisée, anéantie.
    On conduisit le petit Georges au cimetière
Montparnasse.
    Avant le départ, Dorval avait demandé qu’on
lui cédât pour elle seule le salon où l’enfant avait rendu le
dernier soupir.
    On y avait consenti, bien entendu, et elle s’y
était enfermée.
    Au retour, on trouva la porte encore close, en
respecta cette grande douleur, qui voulait rester face à face avec
Dieu.
    Quand Marie avait demandé de rester seule,
Luguet avait manifesté quelque crainte.
    Mais elle alors, devinant ces craintes,
souriant et montrant sa Bible :
    – Oh ! ne craignez rien, avait-elle
dit, ce n’est pas la peine, pour le peu que j’ai à vivre, de renier
ce grand livre-là.
    Et, comme nous l’avons dit, on l’avait laissée
seule.
    La porte fermée toujours n’inspirait donc
d’autre crainte que la présence d’une douleur qui pouvait dépasser
les forces humaines.
    La porte demeura fermée tout le reste de la
journée, toute la nuit ; Luguet et Caroline se tenaient
l’oreille collée à cette porte ; ils entendaient remuer les
meubles, ouvrir et fermer les armoires, et, de temps en temps,
sortir de cette poitrine déchirée des sanglots sourds et
étouffés.
    Enfin, le lendemain, vers huit heures du
matin, la porte s’ouvrit. Dorval parut et trouva son gendre et sa
fille agenouillés devant cette porte.
    Ils avaient passé la nuit là.
    Ils poussèrent un cri de surprise : la
chambre était transformée en chapelle, Marie en avait fait
disparaître tous les objets profanes, et elle avait tout remplacé
par des souvenirs de Georges et des objets pieux.
    Le berceau de l’enfant, comme un autel
antique, était placé au milieu de la chambre, tout

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