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La Dernière Année De Marie Dorval

La Dernière Année De Marie Dorval

Titel: La Dernière Année De Marie Dorval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Dumas
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Paris a vu
Marie-Jeanne
.
    Je la rencontrai.
    – Tu sais que j’ai un rôle ? me
dit-elle.
    – Dans quelle pièce ?
    – Ah ! je ne sais pas, cela
s’appelle
Marie-Jeanne
.
    – Qu’est-ce que c’est ?
    – C’est une mère qui a perdu son enfant
et qui crie : – Mon enfant ! je veux qu’on me rende mon
enfant ! Oh ! je serai très-belle là-dedans, sois
tranquille, tu viendras me voir, n’est-ce pas, mon grand
chien ?
    – Oui.
    – Viens, je jouerai pour toi !
    Ô bonne créature, ô grande artiste !
    C’était d’abord au petit Georges qu’elle avait
conté son bonheur.
    – Tu sais que j’ai un rôle, mon
enfant ? lui avait-elle dit.
    – Ah ! mè mère, que je suis content,
il y a si longtemps que tu en demandes un !
    – Mets-toi là, je vais te raconter la
pièce.
    Elle s’assit à terre, près de l’enfant, et lui
prit la main.
    – Mon petit Georges, dit-elle, c’est
affreux, vois-tu, une mère si pauvre, si pauvre qu’elle est obligée
d’abandonner son enfant, son pauvre enfant qu’elle aime tant. Moi,
je ne l’abandonnerais, tu comprends, jamais. S’il n’y avait plus
qu’un morceau de pain à la maison, je le lui donnerais.
    S’il n’y en avait plus, j’en volerais.
Qu’est-ce que je dis donc ? non, c’est défendu de voler.
Enfin, je ne sais pas ce que je ferais, mais, pour sûr, je
n’abandonnerais pas mon enfant. Georges, vois-tu, un pauvre enfant
de ton âge, plus petit encore que toi, mis dans une espèce de
prison où les mères ne revoient plus leurs enfants, où les enfants
ne revoient plus leurs mères. Oh ! il y a pourtant des femmes
qui font cela.
    – Mè mère, mè mère ! s’écria
l’enfant fondant en larmes.
    – Oh ! je suis sûre du rôle
maintenant, s’écria Dorval, je viens de jouer pour notre petit
Georges, Luguet, et tu vois, le voilà qui pleure. Ne pleure pas,
Georges, ne pleure pas, mon enfant, les femmes qui font cela ne
sont pas de vraies mères, et moi, je suis ta mère, mon Georges, ta
mè mère chérie. Embrasse-moi. Oh ! que je suis folle de faire
pleurer comme cela mon enfant !
    Et elle pleurait à son tour, mais comme
pleurait Dorval, à sanglots.
    Alors l’enfant s’échappait de ses bras et
faisait tout ce qu’il pouvait pour la faire rire, jouant les rôles
de son père, contrefaisant le bossu, parlant comme Polichinelle,
jusqu’à ce qu’elle ne pleurât plus, jusqu’à ce qu’elle rit
enfin !
    Et alors, le pauvre petit comédien de quatre
ans se jetait dans ses bras en disant :
    – Je savais bien que je te ferais rire,
mè mère.

Chapitre 3
     
    L’enfant avait quatre ans et demi.
    Un jour, vers cinq heures, avant le dîner,
Dorval rentre d’une course.
    Le petit Georges, resté à la maison, reconnaît
son pas, court au-devant d’elle jusqu’à la porte, joyeux comme
toujours lorsqu’il la revoyait, en criant :
    – Te voilà, mè mère !
    Dorval le prend, le soulève pour l’embrasser,
et tout à coup sent l’enfant, qui au lieu de s’aider de son élan,
lui pèse de tout son poids, glisse entre ses mains et s’affaisse
sur lui-même.
    Elle croit que c’est un jeu, le relève, et
voyant la même faiblesse en rit d’abord, puis le gronde, et enfin
s’aperçoit que l’enfant est près de s’évanouir.
    Elle appelle, elle crie, elle montre Georges
couché à ses pieds, on court chez un médecin. Pendant ce temps,
l’enfant tombe en convulsions et perd complétement
connaissance.
    En revenant à lui, la seule personne qu’il
cherche des yeux, qu’il ait l’air de reconnaître, c’est Dorval. Ses
yeux se fixent sur elle, et avec un mouvement de la tête qui
signifiait : j’en reviens de loin :
    – Eh bien, mè mère, dit-il.
    Une heure après, la fièvre cérébrale se
déclarait de la manière la plus terrible, et après onze jours
d’agonie, le 16 mai 1848, l’enfant rendait le dernier soupir, sur
les genoux de son père.
    Les soins les plus tendres et les plus
intelligents avaient été vainement prodigués. MM Andral,
Récamier, Tardieu, amenés par Camille Doucet, MM. Delpech père
et fils avaient visité le lit du pauvre petit malade, et n’avaient
pu en chasser la mort.
    Certes, la douleur du père et de la mère fut
grande ; mais au-dessus de cette douleur planait une crainte
terrible :
    Qu’allait-il se passer dans le cœur, dans la
santé, dans la vie de la grand’mère, dont cet enfant était l’idole,
l’étoile, la lumière ?
    Une sœur de

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