La fabuleuse découverte de le tombe de Toutankhamon
hardis pour risquer l’aventure ; apparemment, ils étaient aussi pressés et, si l’on en croit certains détails, on peut penser que ceux qui opérèrent dans la tombe de Toutankhamon ont été pris sur le fait. S’il en a bien été ainsi, gageons que leur mort fut lente et ingénieuse.
Que de drames dans cette Vallée !
On peut imaginer les préparatifs fébriles des malfaiteurs, le rendez-vous secret sur les pentes escarpées, les gardes qu’on corrompt ou qu’on drogue, la plongée dans l’obscurité profonde, pour pénétrer à tâtons dans la chambre funéraire, la quête frénétique à la lumière d’une bougie, le retour à l’aube avec le fabuleux butin. Oui, on peut imaginer ces rapines, et l’on sent bien qu’elles étaient inévitables. En entourant sa momie du faste qu’il croyait indispensable à sa dignité, le pharaon contribuait lui-même à sa propre destruction. La tentation était trop forte. Des trésors, dont la richesse surpassait l’imagination, étaient là, à la portée de celui qui trouverait les moyens de s’en emparer. Tôt ou tard, la ténacité des brigands l’emportait.
Durant quelques générations, cependant, sous les puissants rois des XVIII e et XIX e dynasties, les tombes de la Vallée furent à peu près respectées, le pillage sur une grande échelle étant impossible sans la complicité des fonctionnaires préposés. Mais à la XX e dynastie, il en fut tout autrement. L’autorité royale était chancelante, les hauts dignitaires corrompus, les gardiens enclins à la vénalité et au laxisme, et il semble bien qu’on se livrait régulièrement à de véritables orgies de pillage. Des papyrus datant du règne de Ramsès IX nous renseignent sur les enquêtes menées à l’époque et sur les procès engagés contre les criminels. Ces documents sont extraordinairement significatifs. Outre les informations précieuses qu’ils nous donnent sur les tombes, ils nous fournissent un élément dont les documents égyptiens sont, en général, dépourvus : un climat humain, qui nous permet de pénétrer dans la mentalité d’un groupe de dignitaires thébains vivant trois mille ans plus tôt.
L’histoire comporte trois personnages principaux. Khamoueset, le vizir ou gouverneur du district, Paser, le maire de la rive droite, et Paour, le maire de la rive gauche et gardien de la nécropole. Ces deux derniers étaient apparemment en mauvais termes, chacun étant jalousé de l’autre. Paser ne fut donc pas mécontent d’apprendre qu’on pillait sans vergogne les tombes sur la rive gauche. Enfin une occasion de mettre son rival dans l’embarras ! Il se dépêcha de rapporter l’affaire au vizir en lui donnant le nombre exact de tombes violées : dix tombes royales, quatre tombes de prêtresses d’Amon et une longue liste de tombes privées.
Le jour suivant, Khamoueset envoya plusieurs enquêteurs de l’autre côté du fleuve pour vérifier ces accusations. Ils constatèrent que, sur les dix tombes royales, une avait effectivement été violée et que l’on pouvait relever des tentatives d’effraction sur deux autres tombeaux. Sur les quatre tombes des prêtresses d’Amon, deux avaient été pillées, mais les deux autres étaient intactes. Quant aux tombes privées, elles avaient toutes été ouvertes. Paour en profita pour clamer qu’on voulait sa perte, opinion apparemment partagée par le vizir. On admit tranquillement le pillage des tombes privées. C’était sans importance. L’accusation parlait de dix tombes royales, et de quatre tombes de prêtresses ; or, les enquêteurs l’avaient constaté, il ne s’agissait en tout et pour tout que d’une seule tombe royale et de deux tombes de prêtresses. Il était clair que cette affaire n’était qu’un tissu de mensonges ! Et Paour fut acquitté suivant le principe qu’il était impossible de condamner un homme pour un seul méfait quand on l’accusait d’en avoir commis dix…
Pour célébrer son triomphe, Paour rassembla « inspecteurs, administrateurs de la nécropole, ouvriers, soldats et paysans » et les envoya défiler triomphalement sur la rive droite, avec la consigne de se faire entendre avec force en passant devant la maison de Paser. Ce dernier fit d’abord preuve de patience, puis, n’y tenant plus, il prit à partie l’un des officiels de la rive gauche, déclarant qu’il allait porter l’affaire devant le roi lui-même. Fatale erreur, que son rival s’empressa
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