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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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soupir, reposait sa tête sur les genoux d’un homme qui lui parlait doucement et lui prodiguait des caresses. Huguette s’arrêta net, ses yeux agrandis, fixés sur l’étranger. Elle pâlit.
    — Jésus ! murmura-t-elle, est-ce que ce serait…
    A l’instant, le chevalier leva la tête et elle le reconnut.
    — C’est lui !…
    On entendit un grand bruit de vaisselle brisée qui fit accourir les servantes : c’était Huguette qui, pour porter la main à son cœur, venait de lâcher sa pile d’assiettes. Elle s’avança, le sein palpitant, et d’une voix faible :
    — Mon Dieu ! monsieur le chevalier… est-ce bien vous ?…
    Pardaillan se leva vivement, contempla une seconde l’hôtesse avec un sourire attendri, puis lui saisit les mains, et au grand ébahissement des servantes qui n’avaient jamais vu leur patronne permettre à personne une pareille familiarité, l’embrassa sur les deux joues.
    — Il est écrit que toutes mes revenues en votre bonne hôtellerie vous coûteront deux ou trois douzaines d’assiettes ! fit le chevalier en riant, tandis que du coin de l’œil il désignait les débris qui jonchaient le carreau.
    Huguette se mit à rire nerveusement.
    — Il est de fait, dit-elle, que vous et monsieur votre père avez causé de grands ravages ici… en sorte que M. Grégoire, mon digne mari, ne vous voyait jamais arriver sans terreur…
    — Et comment va-t-il, ce bon Grégoire ? demanda le chevalier pour essayez de donner le change à l’émotion visible de l’hôtesse.
    — Dieu ait son âme, le pauvre cher homme ! il est mort, voici tantôt sept ans…
    Et avec cette spéciale hypocrisie qu’on pardonne aux jolies femmes, Huguette profita de ce souvenir pour donner un libre cours aux larmes qui pointaient à ses paupières. Mais il eût été impossible de préciser si c’était bien la mort de son mari qui la faisait pleurer, ou la joie de ce retour imprévu du chevalier de Pardaillan.
    — Et de quoi diable a-t-il pu mourir ? demanda le chevalier. Il avait une santé si florissante…
    — Justement, dit Huguette en essuyant ses yeux. Il est mort de trop bien se porter…
    — Ah ! oui… il était bien gras… je lui disais toujours que cela lui jouerait un mauvais tour tôt ou tard…
    Ils parlaient, comme on dit, pour parler. Huguette examinait le chevalier à la dérobée ; et elle constatait, peut-être avec une arrière-pensée de satisfaction inavouée, qu’il n’avait pas dû faire fortune : à certains détails perceptibles seulement au coup d’œil sûr et profond de la femme qui aime, à ce pourpoint un peu fatigué, aux plumes du chapeau qui n’étaient pas de première fraîcheur, elle jugeait que si Pardaillan n’était plus le pauvre hère qu’elle avait connu jadis, il était loin d’être le magnifique seigneur qu’il était devenu, croyait-elle encore une heure auparavant.
    —Vous rappelez-vous, monseigneur le chevalier, dit-elle, la dernière visite que vous fîtes à la
Devinière
 ?… Quinze ans, presque… c’était en septante-trois… vous étiez triste… oh ! si triste !… et vous ne voulûtes pas me dire la cause de votre grand chagrin…
    Pardaillan avait soulevé le rideau de la fenêtre près de laquelle il était placé, et un peu pâle, avait levé les yeux vers la façade d’une vieille maison sise vis-à-vis l’auberge.
    — C’est là que je la connus, dit-il avec une grande douceur ! c’est là que je la vis pour la première fois…
    « Loïse !… » murmura l’hôtesse en elle-même.
    Pardaillan laissa retomber le rideau, et se mettant à rire de son bon rire sonore :
    — Ah çà, dame Huguette, vous n’avez donc plus de ce vin si clair et si traître qu’affectionnait mon père ?…
    L’hôtesse fit un signe ; une servante se précipita ; bientôt Huguette remplit à ras bord un gobelet que le chevalier lampa d’un trait.
    — Fameux ! dit-il. Quand on en a trop bu, on n’en a pas assez bu…
    Coup sur coup, il vida ainsi trois ou quatre verres, tandis que l’hôtesse, de sa voix câline, multipliait les questions et serrait de près l’esprit du chevalier, poussée par la curiosité… ou peut-être par cette arrière-pensée que nous avons signalée. L’œil de Pardaillan se troublait, ce regard si limpide devenait sombre ; ce front d’une si insoucieuse audace se voilait, et ces lèvres ironiques se crispaient.
    — Tenez, Huguette, dit-il soudain en posant ses coudes sur la table,

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