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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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l’homme, à chaque fois, m’a glissé dans les mains au dernier moment… Mais je le suis… il ne m’échappera pas… J’ai parcouru sur sa piste l’Italie, la Provence, la Bourgogne, tous les pays de France… J’ai vécu de la vie que m’avait enseignée mon père… J’étais parti de Montmorency fou de désespoir, abandonnant mes titres à la comté de Margency, n’emportant pas un écu. J’ai connu la misère des grandes routes, les étapes sans fin sous le ciel propice ou inclément, et souvent, Huguette, bien souvent, lorsque je me couchais sur une botte de paille sans manger, j’ai songé à la bonne hôtesse de la
Devinière
, qui avait toujours un dîner pour ma faim, un sourire pour mes joies, une larme pour mes douleurs…
    — Hélas ! murmura Huguette toute pâle de ce qu’elle venait d’entendre, ce n’est pas souvent que l’hôtesse a pensé à vous… c’est toujours !… Mais à propos de dîner, monsieur le chevalier, se reprit-elle avec un soupir et un sourire, j’ose espérer…
    — Comment donc, ma bonne Huguette ! Je fais plus que d’espérer : je réclame !… Que voulez-vous, ajouta le chevalier en éclatant de rire, il n’y a rien qui creuse l’estomac comme les souvenirs de jeunesse…
    Et tandis que l’hôtesse, légère comme à ses vingt ans, courait à la cuisine pour préparer de ses mains un succulent dîner pour M. le chevalier, il achevait en lui-même :
    « Oui, cela creuse l’appétit… appétit de vengeance… dîner sublime qui se mange froid et n’en est que meilleur… Or çà, je finira bien par rencontrer mon convive… A votre santé, monsieur de Maurevert !… »
    Dans la cuisine, qui avait une porte particulière sur la rue, Huguette se heurta à deux seigneurs, dont l’un dit :
    — Holà, l’hôtesse, un cabinet pour mon camarade et moi, quatre flacons de Beaugency, une ou deux de ces volailles, et le reste à l’avenant !
    Huguette conduisit les deux gentilshommes dans le cabinet demandé et les quitta pour revenir à la cuisine en leur disant :
    — Dans un instant vous allez être servis, monsieur Maineville et monsieur de Maurevert !…
    — Comme deux bons clients ! cria la voix de Maineville tandis que l’hôtesse fermait la porte du cabinet.
    Puis elle rentra dans la grande salle et se mit à dresser le couvert de Pardaillan. Comme elle achevait, un jeune gentilhomme entra, le visage bouleversé, parcourut la salle d’un coup d’œil, et apercevant le chevalier, courut à lui.
    — Deux couverts, madame Grégoire ! dit Pardaillan en reconnaissant Charles d’Angoulême dans le nouveau venu.
    Le jeune duc, très pâle, se laissa tomber sur un escabeau.
    — Pardaillan, mon cher Pardaillan ! murmura-t-il, je suis perdu !
    — Bah ! fit Pardaillan, que vous arrive-t-il ? Etes-vous traqué par les ligueurs de M. de Guise ? La bonne reine Catherine vous aurait-elle invité à déjeuner chez elle ?
    — Vous jouez avec ma douleur, Pardaillan !…
    L’œil ironique du chevalier s’emplit d’éclairs. Il saisit une main de Charles, et baissant la voix :
    — Jamais je n’ai plaisanté avec la douleur humaine. Jeune homme, prenez mes avis pour ce qu’ils valent. Mais faites bien attention que Guise poignarde et que la reine-mère empoisonne ! Faites attention que nous vivons dans une époque mystérieuse et terrible où la face du monde se renouvelle, où la mort en rut se promène dans Paris, où le poison sature jusqu’à l’air qu’on y respire, où dans tous les recoins d’ombre luisent des dagues, où les ruisseaux dans un instant peuvent se remettre à charrier du sang, comme j’ai vu, où nul ne peut se flatter de vivre plus que la seconde qu’il vit, où la farce devient tragédie, où les princes déchaînés aboient autour d’un trône, où le peuple hurle en demandant le maître qui demain posera sa botte sur sa tête, ou l’épouvante escorte chaque passant… et où les gens comme moi, enfin, ne peuvent s’empêcher de rire, ce qui est peut-être une façon de pleurer !… Et maintenant que vous êtes averti, mon prince, racontez-moi votre malheur…
    — Eh bien, dit le jeune duc dont les yeux s’emplirent de larmes, cette jeune fille dont je vous ai parlé… cette enfant sans laquelle je ne puis vivre… celle que j’aime, Pardaillan !… elle a disparu !…
    — Pauvre petit duc ! murmura le chevalier avec ce singulier attendrissement. Et que dit le bohémien ?
    —

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