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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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matin du 12 mai 1588, six gentilshommes, pareils à des oiseaux effarés qui fuient la tempête, montaient à fond de train les hauteurs de Chaillot. Sur le sommet, leur chef s’arrêta. Pâle de désespoir, il se retourna vers Paris qu’il contempla longuement.
    D’étranges rumeurs, des bruits sourds d’arquebusades lui arrivèrent par bouffées, semblables au ressac lointain d’une mer démontée ou d’un peuple déchaîné. Un rauque sanglot déchira sa gorge. Ses deux poings se tendirent dans un geste de menace ; il se raidit, se haussa sur ses étriers comme pour mieux lancer un anathème, et hurla ces paroles qu’emporta le souffle du vent et que recueillit l’Histoire :
    — Ville ingrate ! Ville déloyale ! Toi que j’ai aimée plus que ma propre femme ! Tremble, car je ne rentrerai dans tes murs que par la brèche !
    A cet instant, deux cavaliers apparurent : l’un paraissant avoir dépassé la trentaine, admirable de vigueur, avec une de ces physionomies audacieuses et railleuses, étincelantes et mordantes, glaciales et géniales, qui laissent d’ineffaçables impressions ; l’autre, dix-huit ans, svelte, gracieux, merveilleux de beauté délicate et hardie.
    Les cinq fidèles qui, tout blêmes, entouraient le fugitif, voyant s’arrêter ces deux inconnus, cherchèrent à l’entraîner. Mais lui, levant les bras au ciel, fit entendre un lugubre gémissement et cria :
    — Malédiction sur moi ! Tout m’abandonne. Oh ! qui donc à présent voudra me prendre en pitié !
    — Moi ! répondit une voix sonore.
    Le fugitif vit le plus jeune des deux étrangers qui s’avançait… Alors une terreur subite, inexplicable, exorbita son regard affolé, ses mains frappèrent le vide comme pour repousser une affreuse vision et ses lèvres blanches bégayèrent :
    — Toi ! Toi ! Charles ! Mon frère, es-tu donc sorti du tombeau pour m’accabler ?
    — Vous vous trompez, répondit l’inconnu. Je ne suis pas celui qu’évoque votre remords, je ne suis pas Charles IX.
    — Et qui donc es-tu alors ?…
    — Je suis son fils. Je suis Charles, duc d’Angoulême.
    — Ah ! gronda le fugitif, c’est toi l’enfant de Marie Touchet et de Charles ! C’est toi le bâtard d’Angoulême ! Eh ! bien, parle ! Que me veux-tu ? Que viens-tu demander à Henri III, roi de France ?
    — Je vais vous le dire. J’ai quitté Orléans pour vous parler en face ! Il y a huit jours, Sire, j’ai atteint ma majorité. Ce jour-là, ma mère m’a conduit dans sa chambre et a découvert un portrait que j’avais toujours vu voilé d’un crêpe : j’ai reconnu Charles IX.
    — Mon frère ! balbutia Henri III.
    — Oui, votre frère !… Alors ma mère s’est agenouillée. Elle m’a raconté comment était mort l’homme qu’elle avait adoré. J’ai su l’effroyable agonie de mon père ! J’ai su que, désespéré, lamentable, poussé à la folie, chacun des soupirs de sa dernière heure fut une terrible accusation contre trois bourreaux, trois démons qu’elle me désigna… Et je suis parti pour dire au duc de Guise : Traître et rebelle, qu’as-tu fait de ton roi ?…
    — Guise ! rugit Henri, tu le trouveras dans mon palais, sur mon trône, peut-être !
    — Je suis parti pour crier à Catherine de Médicis : Mère infâme ! mère sans entrailles, qu’as-tu fait de ton fils ?
    — La reine-mère ! sanglota Henri, tu la trouveras dans les prisons de Guise !
    — Je suis parti pour trouver Henri de Valois, roi de France, et lui crier ce que durent crier jadis les enfants d’Abel à leur oncle… Caïn ! qu’as-tu fait de ton frère ?…
    A cette dernière apostrophe, le roi, d’une violente saccade, fit reculer son cheval ; puis il s’affaissa sur lui-même, secoué d’un tremblement mortel, et sourdement répéta :
    — Caïn !…
    Une clameur alors éclata parmi les cinq gentilshommes qui vociférèrent :
    — Le roi est toujours le roi ! Vive le roi ! A mort l’insulteur !
    En même temps, ils dégainèrent… A cet instant, le compagnon du duc d’Angoulême bondit au milieu du groupe furieux, tira une longue rapière qui, au soleil levant, jeta un rapide éclair, et très calme :
    — Messieurs, dit-il, ceci est une affaire intime. Laissez l’oncle et le neveu s’expliquer à la douce. Ou bien je croirai que vous êtes de la famille. Et dans ce cas, je serai forcé de croire que j’en suis aussi, moi !
    Les cinq s’avancèrent, grinçants de

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