La Femme Celte
une
chevelure d’or comparable à la crinière d’un coursier : l’image est non
seulement poétique, mais elle indique aussi un symbole solaire qui n’est pas
difficile à comprendre.
De plus, lorsqu’elle est condamnée injustement pour la disparition
de son fils, Rhiannon est obligée de porter sur son dos les voyageurs qui se
rendent à la forteresse du Roi. C’est une assimilation à la jument, et le
détail concernant son rôle pendant qu’elle était captive à la cour de Llwyt (elle
servait de bête de somme) ne fait que renforcer l’identification. Enfin Rhiannon
est la Déesse aux Oiseaux Merveilleux, ce que nous reverrons par la suite.
Bornons-nous pour l’instant à étudier le thème du Cheval
dans la légende de Rhiannon. Tous les mythologues sont unanimes à établir un
rapprochement entre Rhiannon et la déesse gauloise romanisée Épona dont le
culte a pris des proportions considérables dans l’Empire romain. De nombreux
monuments et inscriptions lui sont consacrés, surtout en Gaule et en Allemagne
rhénane. La statuaire gallo-romaine nous la présente de trois façons
différentes : dans la première, la déesse est assise sur un cheval ou sur
un poulain ; dans la seconde, elle est debout devant un cheval, ou bien
entre deux ou plusieurs chevaux ; dans la troisième, plus rare, elle est
couchée, à demi-nue, sur un cheval. Elle porte parfois une corne d’abondance ou
une coupe, ou encore une simple écuelle. Il arrive qu’elle soit accompagnée
d’un chien, ce qui peut être une indication intéressante, le chien étant, dans
toutes les traditions, le gardien des enfers [102] . Épona n’est pas
d’origine latine et c’est ce qui explique que nous n’en trouvons mention que
chez des auteurs relativement récents, comme chez Juvénal ( Satires , VIII) et chez Apulée ( Métamorphoses , III) : nous savons ainsi que son
image ornait le mur des écuries, et que ces images étaient agrémentées de
roses. Elle devait donc, dans le monde romain, être une déesse protectrice des
chevaux, ce que nous corrobore la fréquence des inscriptions en son honneur
dans les régions où il y avait le plus de cavaliers, c’est-à-dire les
frontières de la Germanie. Mais il est probable que ce rôle de protectrice des
chevaux qu’on lui attribuait n’était que le pâle reflet du rôle qu’elle occupait
dans l’ancien temps chez les Celtes indépendants. Il s’est produit pour elle ce
qui s’est produit pour quantité de saints de la religion chrétienne : au
départ, ils signifiaient une idée formulée par un symbole, et peu à peu, comme
on oubliait la signification du symbole, celui-ci était pris à la lettre :
par exemple sainte Barbe représentée avec une tour, symbole de la virginité,
devenue patronne des artilleurs (qui démolissent la tour) et corollairement des
pompiers (parce qu’ils éteignent le feu allumé par les premiers). Il est
ridicule de considérer, comme le font tant de mythologues, les dieux et les
déesses uniquement comme des protecteurs. C’est prendre les sectateurs des anciennes
religions pour des imbéciles, ce qu’ils n’étaient pas toujours, et encore moins
à l’aube de ces religions. Épona n’a pas échappé à la règle, et nous verrons
que ce personnage confiné dans un rôle secondaire, est en réalité l’image même
de la déesse-mère primitive des Celtes.
En tout cas Épona est liée d’une façon ou d’une autre au cheval.
Ce n’est pas seulement l’iconographie ou son rôle de protectrice des chevaux
qui nous le dit, c’est son nom. Épona, en effet, vient du mot gaulois Epo , issu d’un indo-européen * ekwo qui a lui-même donné le latin equus . Elle est donc étymologiquement « la
Cavalière », ou même franchement « la jument ». Précisément,
l’auteur grec de la décadence Agesilaos nous raconte une étrange histoire à
propos de la naissance d’Épona [103] : « Phoulouios
Stellos qui haïssait les femmes eut des rapports avec une jument ;
celle-ci, quand le temps fut venu, accoucha d’une belle petite fille et lui
donna le nom d’Épona. » On ne peut pas être plus précis quant à l’origine
chevaline d’Épona. Un détail nous surprend cependant : ce n’est pas
Phoulouios Stellos qui donne son nom à la petite fille, mais la jument elle-même , le texte grec est sans
aucune équivoque là-dessus. Il est probable qu’il s’agit d’un animal magique,
ou divin, ou simplement de la
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