La Femme Celte
Gaule et dans l’île de Bretagne que
dans les textes irlandais et gallois, qui, nous l’avons dit, sont des
traditions orales parfois assez anciennes mises par écrit au cours du haut
Moyen Âge. Mais ces déesses, si elles continuent à jouer un rôle important,
sont, comme chez tous les autres peuples, bien déchues de leur grandeur :
elles ont été placées dans un cadre paternaliste, et très souvent, elles ont
été occultées, salies, déformées, englouties au plus profond de l’inconscient. Mais elles s’y trouvent. Et elles surgissent
parfois triomphantes et viennent perturber la société masculine bien assise sur
des bases qu’on croyait inébranlables. On pensait avoir définitivement consacré
le triomphe de Iaweh et du Christ, mais par-derrière réapparaît la troublante
et désirable figure de la Vierge Marie. Et celle-ci prend des vocables bien
surprenants : Notre-Dame de l’Eau, Notre-Dame des Orties, Notre-Dame du
Roncier, Notre-Dame des Tertres, Notre-Dame des Pins, etc. En fait la déesse
des antiques croyances est toujours vivante en nous-même si elle est en état de
« dormition ». Mais en dépit d’un zèle qui s’est affirmé de siècle en
siècle, en dépit de la promulgation des dogmes successifs relatifs à Marie,
elle est toujours, dans le christianisme officiel, un personnage secondaire,
effacé, timide, modèle de ce que doivent être les femmes, au service de
l’Homme, toujours pure et vierge, mère admirable, héroïque dans sa souffrance.
Ce n’est plus la Grande Déesse devant laquelle tremble le troupeau des hommes,
c’est Notre-Dame de la Nuit .
LA REINE DES CHEVAUX
Pour la découvrir entièrement, il faut la sortir de sa nuit,
de sa caverne, de son ténébreux océan où l’ont plongée les fantasmes des
hommes, et pour cela, il est nécessaire de recourir aux mythes : ce sont
ceux-ci qui, avec leurs variantes, leurs éléments ajoutés ou retranchés, nous
permettront de tracer une sorte de portrait-robot de Notre-Dame de la Nuit. Et
dans le domaine celtique, le premier jalon sera l’histoire de Rhiannon telle
qu’elle apparaît dans trois des textes qui constituent le Mabinogi gallois, Pwyll,
prince de Dyvet , contenant l’essentiel du mythe, Manawyddan, fils de Llyr , qui en est une suite, Branwen fille de Llyr , qui y ajoute certains détails [101] .
Saga de Rhiannon (Pays de Galles) : Pwyll Penn Annwîn, roi de Dyvet, se trouve sur le
tertre d’Arbeth. Il voit apparaître une jeune femme portant « un habit
doré et lustré », montée sur « un cheval blanc pâle ». Il envoie
un de ses cavaliers la chercher : elle disparaît. Le lendemain, même
scène : la cavalière disparaît. Le troisième jour, Pwyll se lance lui-même
à sa poursuite. Il n’arrive pas à la rejoindre et il s’écrie :
« Jeune fille, pour l’amour de l’homme que tu aimes le plus,
attends-moi. » La cavalière s’arrête, déclare s’appeler Rhiannon, fille
d’Hyveidd Hen, et être venue pour l’amour de Pwyll : « Je ne voudrais
jamais de personne à moins que tu ne me repousses. » Le roi accepte
d’épouser Rhiannon et le mariage est fixé un an plus tard à la cour d’Hyveidd.
Mais alors apparaît, au cours du banquet, un solliciteur qui n’est autre que
l’ancien prétendant de Rhiannon, Gwawl, lequel, grâce à la coutume du don qu’on
est obligé de faire sans savoir de quoi il s’agit, réclame Rhiannon elle-même.
Mais Rhiannon parvient à obtenir un délai d’un an avant d’épouser Gwawl, et
elle en profite pour tracer un plan machiavélique par lequel Gwawl, battu et
mécontent, est mis définitivement hors-jeu. Rhiannon épouse Pwyll. Un peu plus
tard, Rhiannon donne naissance à un fils. Mais pendant la nuit, Rhiannon et les
femmes qui la veillent succombent au sommeil et l’enfant est mystérieusement
enlevé. Pour se disculper, les femmes prétendent que Rhiannon a tué son enfant.
Elle est jugée par Pwyll et les sages de Dyvet et condamnée à une bizarre
pénitence : « Pendant sept ans de suite elle resterait à la cour
d’Arberth, s’assoirait chaque jour à côté du montoir de pierre qui était à
l’entrée à l’extérieur, raconterait à tout venant qui lui paraîtrait l’ignorer
toute l’aventure et proposerait, aux hôtes et aux étrangers, s’ils voulaient le
lui permettre, de les porter sur son dos à la
cour. » Ainsi en est-il. Cependant l’enfant a été déposé non moins
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