La fête écarlate

mois… Elle était vêtue en homme… Je veux dire : en armure… Quatre gars l’accompagnaient qui n’ont guère desserré les lèvres…
    – Quatre !
    Ogier s’imagina avec elle, autrefois. Et même dans le grand lit encourtiné de Rechignac. Était-ce un bon souvenir ? Non… Ni brûlant ni froid… Tiède et fade, à présent. Aude entra, suivie de Thierry.
    – Au lieu de me chercher, elle ferait mieux de chercher son père. Il est prisonnier des Goddons…
    – Cela aussi, nous le savions, dit Aude, par Thierry et Raymond. Et nous le lui avons appris sans qu’elle en paraisse marrie.
    Saladin apparut et jappa ; Ogier le caressa, frotta sa souple échine, et sourit :
    – Tu m’as manqué, sais-tu, mon bon ami ?
    – Tancrède n’est restée qu’un jour, reprit Aude, les paupières baissées. J’ai eu honte qu’elle nous trouve en cet état de dénuement bien qu’elle ait su depuis toujours nos malheurs… Elle nous a donné les restes d’un daim que ses compagnons avaient tué dans la forêt de Quettreville… nullement par bonté, je crois, mais comme on donne à des chiens. Et elle s’en est allée avec les quatre hommes. L’un d’eux se nomme Hervé…
    – Je le connais.
    – Un autre Croquart. C’est un Allemand… un routier sans doute… Les autres, je ne sais pas mais ils m’ont paru Anglais.
    Et brusquement, tandis que ses joues s’empourpraient :
    – Thierry nous a dit… pour cette jeune fille…
    Ogier cessa de caresser Saladin ; et levant la tête :
    – Sans Blandine, mon bonheur céans serait incomplet… J’ai longtemps craint que les Goddons ne se lancent à l’assaut du Poitou. Il semble…
    Il fut interrompu par un hennissement.
    – Marchegai !… Il me sait de retour…
    Il fallait qu’il revît son destrier sans plus tarder. Il allait s’éloigner, son père le retint :
    – Thierry nous a dit qu’il avait en détestation les parents de cette pucelle.
    Ogier se redressa. Saladin appuya son museau sur sa cuissière.
    – Elle n’a pas les parents qu’elle mérite… Son père est chevalier : Herbert III Berland, seigneur des Halles de Poitiers… l’avez-vous connu ?
    – Non.
    – Pour tout vous dire, il me déplaît… Mais je veux épouser sa fille.
    – Est-il consentant ?
    – Nullement. Je l’ai dominé à la joute : il m’en veut… Blandine m’aime… Qu’il y consente ou non, je l’épouserai !
    Godefroy d’Argouges se rencogna dans sa cathèdre ; puis, haussant les épaules :
    – Si tu l’aimes vraiment d’amour, ne tarde pas à te remettre en chemin pour l’amener parmi nous… Je voudrais la connaître avant de quitter ce monde.
    Ogier s’inclina : cette volonté prenait valeur de commandement.
    – Je partirai dans quelques jours, Père… dès que Thierry aura épousé Aude.
    Le vieillard, à son tour, s’inclina :
    – Nous déciderons de cela ce jour d’hui…
    Ogier adressa un clin d’œil à sa sœur et à Thierry, immobiles, main dans la main, sur le seuil. Marchegai hennit encore et, cette fois, avec une exigence qu’il fallait satisfaire.
    Godefroy d’Argouges eut un frémissement des lèvres qui pouvait bien être un sourire :
    – Va voir ton destrier, mon fils. Tu lui manquais. C’est lui, je présume, que tu chevaucheras pour aller chercher cette Blandine… Va, et sache qu’en dépit des apparences, je suis heureux.
     

ANNEXES

ANNEXE I
    DOM LE NOIR, BÉNÉDICTIN DE L’ABBAYE DE SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS : PREUVES GÉNÉALOGIQUES DE LA MAISON DE HARCOURT
Paris 1907, avec lettre-préface de Léopold Delisle
    (résumé d’un très épais volume consacré à cette famille)
    cote à la Bibliothèque nationale : 4°Lm 3 2904
     
    On trouve tout d’abord Torf, seigneur de Tourville, Normand établi en Neustrie au X e siècle, époux d’Ertemberge de Bricquebec.
    Il a deux fils : Touroufle du Pont-Audemer et Turchetil.
    Turchetil, époux d’Anceline de Montfort, devient le père d’Anquetil de Harcourt, qui épouse Ève de Boissey, dont il a :
    Robert , Errand, Jean, Arnould, Gervais, Yves, Renaud et Agnès. La plupart des fils accompagnent Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, à la conquête de l’Angleterre (1066).
    Robert I er du nom, sire de Harcourt, fils d’Anquetil, épouse Colede (438) d’Argouges. Il a pour fils :
    Guillaume, Richard, seigneur de Renneville, chevalier du Temple ; Philippe, évêque de Bayeux (1143) ; Henri, seigneur et châtelain de