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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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personnalité d’Anne de Bregannog et de son cher neveu ? Tu as compris quel genre de fêtes se déroulaient ici ! Des bacchanales sataniques où tout était permis. Où l’on ne s’interdisait aucune « fantaisie ». Des rituels de souffrance et de mort où chacun s’appliquait à dépasser son voisin en inventivité. Anne était ainsi, et Ornan a suivi le même chemin. Pas au début, non… Sinon, je ne serais pas entré à son service, mais tout s’est déréglé au retour de la croisade. En fait, Ornan était un homme cruel, sans pitié. Un seigneur de guerre qui ne se sentait exister qu’au milieu des batailles. La paix lui était une torture. Elle le rendait encore plus méchant car elle ne lui offrait aucun exutoire satisfaisant.
    « Tout jeune, il avait été placé en pension ici même, chez son oncle Anne, qui s’était empressé de le dévoyer. À trente ans, Anne était une brute en pleine possession de son art. Il a entrepris de modeler le petit Ornan à son image… et, contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’enfant a aimé cela. Il s’est mis à idolâtrer son oncle, à le copier en toute chose. Très vite, l’homme et le gosse se sont entendus comme larrons en foire pour tyranniser leur entourage. Nul n’échappait à leurs jeux pervers : animaux, pages, servantes… Leur grand plaisir consistait à inventer des punitions atroces.
    « Il régnait dans ce château une atmosphère permanente d’orgie et de perversité. On y pratiquait les rituels les plus immondes. Je n’étais pas présent, mais Ornan m’a mille fois conté la chose. Quand nous étions en Orient, sous la tente, il trompait l’ennui en évoquant le passé. Cette époque éveillait en lui une grande nostalgie. Il la considérait comme la meilleure partie de sa vie. Au début, je croyais qu’il cherchait à m’effrayer, puis, à le voir agir, j’ai fini par comprendre que tout ce qu’il racontait était véridique. Même le pire. Surtout le pire…
    « Anne de Bregannog était atteint de démence épisodique, en raison de la blessure à la tête que j’ai déjà évoquée. Quand il était sous l’influence de ses démons, il devenait capable de n’importe quoi. Il arrivait que ses servantes meurent démembrées au terme d’interminables viols collectifs. Leurs cadavres étaient jetés aux chiens qui se chargeaient de les faire disparaître. Le reste était à l’avenant. Dans les derniers temps, il s’était mis en tête de provoquer des avalanches pour punir ses serfs et anéantir les communautés cathares qui proliféraient au pied de la montagne. Leur obsession de la pureté l’horripilait, leur passivité lui donnait envie de les égorger. Anne se voyait comme une sorte de chef de guerre commandant à la neige.
    — C’est là qu’il a commencé à travailler sur la flûte ?
    — Oui, à cause d’une légende qui prétend qu’en un lieu précis des cols il suffit de siffler une certaine mélodie pour provoquer le décrochement du manteau neigeux. Les bergers se transmettent cette musique en secret, de père en fils, comme un héritage maléfique. Anne de Bregannog en a torturé plusieurs pour reconstituer la partition. C’était devenu une idée fixe. Mais il y avait le problème de la flûte… Sans elle, pas moyen de jouer correctement la musique, qui ne prenait son pouvoir qu’à condition de sortir d’un pipeau taillé dans un os humain. C’est en procédant à des essais qu’il a provoqué accidentellement l’avalanche qui a englouti son château.
    — Vous m’avez déjà raconté cela, coupe Wallah avec impatience, cela ne m’explique pas comment vous avez pris la place d’Ornan de Bregannog.
    Jehan se passe la main sur le visage.
    — Au retour de la croisade, Ornan s’est installé dans le château familial. Il était riche mais maussade. Après l’excitation des tueries perpétrées en Orient, rien n’avait plus de saveur, il s’ennuyait. La chasse ne suffisait plus à le distraire, il avait soif d’autres jeux. Il a commencé à acheter des bêtes fauves, des tigres, des panthères, un gorille… puis il a organisé des combats dans la crypte. De jeunes journaliers contre l’un ou l’autre des fauves. Il voulait ressusciter les jeux du cirque des anciens Romains.
    — Ces garçons étaient volontaires ?
    — Parfois oui, parfois non. Il me demandait de les recruter dans les tavernes, dans les ports, en leur faisant miroiter quelques pièces d’or. Mais la

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