La Fin de Pardaillan
petite demoiselle Loïse que M. le chevalier avait bon espoir de retrouver.
Escargasse, stylé par Pardaillan, s’était si adroitement acquitté de sa mission que Jehan n’avait rien soupçonné et était resté près de sa femme. Il était revenu le lendemain matin rendre compte à M. le chevalier.
Maintenant, Pardaillan était tranquille : il était bien sûr que Jehan ne viendrait pas à Paris puisqu’il savait que son père n’y était plus.
Après avoir rendu compte et reçu des compliments mérités, Escargasse avait déposé sur la table un sac ventru, qui avait rendu un son argentin fort agréable, en disant :
– De la part de M. le marquis pour les frais de route de M. le chevalier. Et quand ces cinq cents pistoles seront mangées, il n’y aura qu’à faire signe pour en faire venir d’autres.
Et avec orgueil :
– Ah ! vaï, nous sommes riches. Dieu merci !
Avec un sourire de satisfaction, Pardaillan avait raflé le sac, l’avait soupesé un instant et était allé incontinent l’enfermer au fond d’un coffre en murmurant :
– Voici un argent qui arrive fort à propos. Diantre soit de moi, je n’avais pas pensé à cette question d’argent qui a bien son importance, pourtant !… Heureusement que Jehan, qui me connaît bien, y a pensé, lui.
Mais aussitôt après avoir enfoui le sac, il le tira de sa cachette, en sortit un nombre assez respectable de pièces qu’il enferma dans une bourse, et le remit ensuite à sa place. La bourse pleine à la main, il revint s’asseoir en face d’Escargasse. Et de sa voix brève :
– Prends ceci et écoute-moi, dit-il en lui tendant la bourse. Escargasse obéit : il prit la bourse et écouta Pardaillan qui parla assez longtemps. Ensuite de quoi Escargasse se remit en selle et partit. Il sortit de Paris et, sans trop se presser, en homme qui voyage pour son plaisir, il se lança sur la route d’Orléans.
Nous ne savons pas au juste où se rendait ainsi Escargasse sur l’ordre de Pardaillan. Mais nous savons que la route d’Orléans était également la route du Midi… de l’Espagne. Or, Escargasse, en sa qualité de Méridional, n’était pas plus embarrassé de se faire comprendre en espagnol ou en italien, qu’en provençal, en gascon ou en français.
Pour ce qui est de Gringaille, qui était Parisien, lui, pendant qu’Escargasse se rendait à Saugis, il s’était rendu rue Saint-Nicaise, où se trouvait l’hôtel de Sorrientès… la demeure de Fausta. Tous les matins, il se rendait là, et tous les soirs il venait rendre compte à M. le chevalier de ce qu’il avait vu et entendu. Il s’y rendait sous des déguisements variés et il savait si bien se rendre méconnaissable que Valvert l’avait rencontré plusieurs fois et ne l’avait pas reconnu.
Ainsi, comme on le voit, Pardaillan ne demeurait pas inactif, et il est probable qu’il préparait un de ces coups que Fausta sentirait quand il s’abattrait sur elle. On remarquera qu’il n’employait pas Valvert. C’est que le concours du jeune homme ne lui était pas indispensable pour l’instant. Et puis, il le savait amoureux, et Pardaillan, qui avait toutes les délicatesses et toutes les indulgences, se faisait un scrupule de le distraire de ses amours durant les quelques instants de répit que leurs ennemis leur laissaient.
Car Pardaillan savait très bien que cette tranquillité qui durait depuis trois jours ne pouvait plus durer longtemps maintenant. Et c’est ce qu’il disait à Odet de Valvert qui s’étonnait de cette inaction prolongée de Fausta et de Concini.
– Tenez pour certain, lui disait-il, qu’ils ne nous oublient pas et ne s’endorment pas. Ils machinent leur petite affaire et quand ils seront prêts, bientôt, je pense, ils frapperont. A nous d’être prêts à parer le coup quand il nous sera porté.
– On tâchera de parer, avait répondu Valvert de son petit air tranquille qui ne trompait pas Pardaillan, lequel le connaissait à merveille, puisque c’était lui qui l’avait formé.
Nous devons dire que Pardaillan ne se trompait pas. Fausta et Concini ne demeuraient pas plus inactifs que lui. Fausta avait même eu cette idée de s’allier momentanément avec Concini contre Pardaillan. Et elle était allée voir le favori.
Elle n’avait pas eu trop de peine à le décider, Concini étant presque plus enragé contre Pardaillan que contre Valvert. Et ce n’est pas peu dire. De cette entente tout à fait provisoire
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