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La Flèche noire

La Flèche noire

Titel: La Flèche noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Louis Stevenson
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et tout le reste avec. Bien, vous pouvez vous en étonner, mais je garde bon espoir dans mon bissac et si je dois être noyé, je me noierai l’œil clair, maître Shelton, et la main ferme.
    Dick ne répondit pas   ; mais il fut surpris de trouver le vieux vagabond si résolu, et craignant quelque nouvelle violence ou trahison, il se mit en quête de trois hommes sûrs. La plupart des hommes avaient déserté le pont, qui était incessamment lavé par la crête des lames, et où ils étaient exposés à l’âpreté du vent d’hiver. Ils s’étaient réunis dans la cale des marchandises, parmi les muids de vin et deux lanternes les éclairaient en se balançant.
    Là, quelques-uns conservaient leur gaieté et ne cessaient de porter la santé les uns des autres avec le vin de Gascogne d’Arblaster. Mais, comme la Bonne Espérance continuait à s’agiter sur les vagues furieuses et lançait sa poupe et sa proue alternativement haut dans le vide, et profondément dans l’écume blanche, le nombre de ces joyeux compagnons diminuait à chaque instant et à chaque embardée. Beaucoup étaient à part, soignant leurs blessures, mais la plupart étaient déjà abattus par le mal de mer, et gisaient et geignaient à fond de cale.
    Greensheve, Cuckow et un jeune garçon de lord Foxham que Dick avait déjà remarqué pour son intelligence et sa bravoure, étaient encore cependant en état de comprendre, et disposés à obéir. Dick les installa comme gardes du corps près de la personne du timonier, puis, avec un dernier regard à la mer et au ciel noirs, il retourna et descendit dans la cabine, où lord Foxham avait été transporté par ses serviteurs.

CHAPITRE VI« LA BONNE-ESPÉRANCE » (fin)
    Les plaintes du baron blessé se confondaient avec les gémissements du chien du vaisseau. Soit que le pauvre animal fût en peine d’être séparé de ses amis, soit qu’il reconnût quelque danger dans la marche du vaisseau, ses cris, régulièrement, de minute en minute, dominaient les rugissements des vagues et de l’orage   ; et les plus superstitieux des hommes entendaient dans ces hurlements le glas de la Bonne Espérance.
    Lord Foxham avait été couché dans un hamac sur son manteau de fourrures. Une lampe brûlait faiblement devant la Vierge dans la cloison, et, à sa lueur, Dick put voir la figure pâle et les yeux creux du blessé.
    – Je suis grièvement blessé, dit-il. Approchez, jeune Shelton, qu’il y ait au moins près de moi quelqu’un de bien né   ; car, après avoir vécu noblement et richement tous les jours de ma vie, c’est une triste condition d’avoir été blessé dans une pareille escarmouche et de mourir ici dans un affreux bateau, glacé, en mer, parmi des gens sans aveu et des rustres.
    – Non, Monseigneur, dit Dick, je prie plutôt les saints que vous guérissiez de votre blessure et arriviez bientôt à terre sain et sauf.
    – Comment   ? demanda Sa Seigneurie. Venir sauf à terre   ? C’est donc possible   ?
    – Le vaisseau marche péniblement… la mer est mauvaise et contraire, répliqua le jeune homme, et, d’après ce que m’a dit mon compagnon qui nous gouverne, nous aurons de la chance si nous arrivons à terre à pied sec.
    – Ah   ! dit le baron, sombre, ainsi, toutes les terreurs accompagneront mon âme au moment du passage   ! Monsieur, priez plutôt de vivre durement, afin de pouvoir mourir tranquillement   ; cela vaut mieux que d’être flatté et chanté toute la vie au son de la flûte et du tambourin, et d’être à la dernière heure plongé dans le malheur   ! Mais j’ai sur la conscience des choses qui ne peuvent être remises. Nous n’avons pas de prêtre à bord   ?
    – Non, répondit Dick.
    – Alors, à mes intérêts séculiers, conclut Lord Foxham. Il faut que vous soyiez pour moi, après ma mort, un aussi bon ami que vous avez été loyal ennemi de mon vivant. Je tombe dans un mauvais moment, pour moi, pour l’Angleterre, et pour ceux qui avaient confiance en moi. Mes hommes devront être conduits par Hamley… celui qui fut votre rival   ; ils se réuniront dans la salle longue à Holywood   ; cet anneau à mon doigt vous accréditera pour présenter mes ordres   ; et, de plus, je vais écrire deux mots sur ce papier, enjoignant Hamley de vous abandonner la demoiselle. Obéirez-vous   ? je ne sais.
    – Mais, Monseigneur, quels ordres   ? demanda Dick.
    – Oui, dit le baron, oui… les ordres   ; et il regarda Dick

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