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La Flèche noire

La Flèche noire

Titel: La Flèche noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Louis Stevenson
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de danger   ; et, quoiqu’ils fussent trop affamés et glacés pour faire plus, ils grommelaient et jetaient des regards farouches sur leur chef. Dick leur partagea sa bourse sans rien garder pour lui, les remercia du courage qu’ils avaient déployé bien qu’en son cœur il eût préféré leur reprocher leur poltronnerie   ; puis après avoir ainsi un peu adouci l’effet de ses insuccès répétés, il les laissa retrouver leur chemin séparément ou par couples, vers Shoreby et « La Chèvre et la Musette ».
    De son côté, influencé par ce qu’il avait vu à bord de la Bonne Espérance, il choisit Lawless pour son compagnon de route. La neige tombait sans interruption ni changement, nuage égal et aveuglant, le vent était tombé et ne soufflait plus   ; et toute chose s’effaçait, couverte par cette chute silencieuse. Il y avait grand danger de se tromper de chemin et de périr dans un tourbillon   ; et Lawless, marchant un demi-pas environ en avant de son compagnon, tendant le cou comme un chien sur une piste, demandait son chemin à chaque arbre et étudiait sa direction comme s’il eût gouverné un vaisseau parmi des récifs.
    À peu près à un mille dans la forêt, ils arrivèrent à un endroit ou plusieurs routes se rencontraient sous un bosquet de chênes hauts et tordus. Même dans l’étroit horizon de la neige tombante, c’était un endroit qu’on ne pouvait manquer de reconnaître, et Lawless le reconnut avec une particulière satisfaction.
    – À présent, maître Richard, dit-il, si vous n’êtes pas trop fier pour être l’hôte d’un homme qui n’est ni un gentilhomme de naissance, ni même un bon chrétien, je peux vous offrir une coupe devin et un bon feu pour fondre la moelle de vos os gelés.
    – En avant Will, répondit Dick. Une coupe de vin et un bon feu   ! Je ferais un fameux détour pour les voir.
    Lawless tourna de côté sous les branches dénudées du bosquet, et, marchant quelque temps, d’un pas résolu, arriva à une excavation ou caverne escarpée dont un quart était plein de neige. Sur le bord, un grand hêtre se penchait, les racines saillantes   ; et le vieil outlaw, écartant quelques broussailles, disparut tout entier dans la terre.
    Le hêtre avait été à moitié déraciné par quelque violent orage et avait arraché une étendue considérable de gazon   ; et c’était là-dessous que le vieux Lawless avait creusé sa cachette forestière. Les racines lui servaient de poutres, le gazon était son chaume   ; pour murs et plancher, il avait sa mère la terre. Si grossière qu’elle fût, le foyer noirci par le feu dans un coin et la présence dans un autre d’une grande caisse de chêne consolidée avec du fer montraient, au premier coup d’œil, que c’était le repaire d’un homme, non le terrier d’une bête.
    Quoique la neige se fût amoncelée à l’ouverture, et eut pénétré sur le sol de cette caverne de terre, l’air y était cependant beaucoup plus chaud qu’au dehors   ; et lorsque Lawless eut fait jaillir une étincelle et que les branches de genêt se mirent à flamber et à pétiller sur le foyer, l’endroit prit même une apparence de chez soi confortable.
    Avec un soupir de profonde satisfaction, Lawless étendit ses larges mains devant le feu et sembla aspirer la fumée.
    – Voici, dit-il, le terrier du vieux Lawless   ; veuille le ciel qu’il n’y vienne pas de chien   ! J’ai roulé bien loin, deci et delà, partout, depuis l’âge de quatorze ans où j’ai fui de mon abbaye avec la chaîne d’or du sacristain et un livre de messe que j’ai vendu quatre marcs. J’ai été en Angleterre, en France et en Bourgogne, et en Espagne aussi, en pèlerinage pour ma pauvre âme   ; et sur mer qui n’est le pays de personne. Mais c’est ici ma place, maître Shelton. C’est ici ma terre natale, ce trou dans la terre. Viennent pluie ou vent… et qu’on soit en avril où les oiseaux chantent et les fleurs tombent sur mon lit, ou qu’on soit en hiver, et que je sois seul assis près de mon bon compère le feu, le rouge-gorge chantant dans les bois… c’est ici que je reviens, et c’est ici, s’il plaît à Dieu que j’aimerais mourir.
    – C’est un coin chaud, c’est vrai, répliqua Dick, et agréable et bien caché.
    – Il faut qu’il le soit, répondit Lawless, car, s’ils le trouvaient, maître Shelton, cela me briserait le cœur. Mais ici, ajouta-t-il, en creusant de ses doigts dans le

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