Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
en
vînmes à ne plus rien dire. Mais ce silence se rompit, tant il surprit Madame
de Brézolles. Elle sursauta légèrement et m’envisageant œil à œil, comme si
enfin elle revenait à moi, elle me dit :
    — Monsieur, je suis dans les tourments, ayant scrupule
à vous poser questions encore, tant elles me paraissent indiscrètes.
    — Posez, Madame ! Posez ! Tant plus
indiscrètes elles seront, et tant plus discret je serai moi-même, attentif en
mes réponses à tenir la balance égale entre la franchise et la circonspection.
    — Monsieur, dit-elle avec un grand soupir et une petite
mine contrite, voici donc ce que je voudrais savoir. Vous êtes un gentilhomme
de si bonne mine, de si bonnes manières et si plein de prévenances avec le gentil
sesso que je ne peux douter, vous voyant si rebelle à la matrimonie, que
votre cœur n’ait cependant formé des liens avec une autre dame de la Cour.
    Je demeurai sans voix.
    — Madame, dis-je, quand je l’eus enfin retrouvée, si je
vous entends bien, les liens dont vous parlez ne touchent pas que le cœur.
    — Vous m’avez bien entendue, dit Madame de Brézolles en
montrant quelque confusion.
    — Je vais donc vous bailler, comme promis, une réponse
franche et prudente, mais au préalable, permettez-moi de vous dire, Madame, que
je n’ai jamais eu de ma vie un confesseur aussi charmant que vous et d’autant
plus gracieux qu’il n’est pas habilité à connaître mes péchés et moins encore à
les punir.
    C’était là une petite rebuffade, mais fort émoussée par la
douceur que j’y mis, et dans la voix, et dans le regard. De nouveau, Madame de
Brézolles montra quelque confusion, mais sans branler d’un pouce dans sa résolution
de poursuivre son enquête. Morbleu ! pensai-je, que voilà une dame qui
sait bien ce qu’elle veut et qui passerait fer et feu pour atteindre son
but !
    — Eh bien, Madame, j’ai eu, en effet, jadis, un
attachement pour une grande dame, mais cette dame était étrangère, vivait loin
de la Cour, et personne à la Cour n’en a jamais rien su.
    — Et pourquoi était-ce donc si important que la Cour
n’en sût rien ?
    — Parce que le roi, Madame, n’approuve pas les amours
hors mariage et moins encore les adultères, surtout à un moment de notre
histoire où les hautes dames s’occupent fort de cabales et de complots et
mettent l’État en péril.
    — Vous voilà donc, Monsieur, dit-elle avec un petit
sourire, réduit à vivre comme moine en cellule.
    — Nullement, Madame, et pour tout vous dire d’un seul
coup et n’en dire pas plus, je suis affectionné à une petite personne, fort
dévouée à moi, qui, lorsqu’elle se voudra marier, recevra de ma bourse une dot
et un établissement.
    — Et êtes-vous fidèle à cette petite personne ?
    — Je ne le puis. Madame. Elles sont deux, l’une en
Paris et l’autre en ma maison des champs.
    — Je suppose, Comte, que cet arrangement vous donne
satisfaction.
    — Il n’est point mauvais, bien qu’il comporte quand et
quand quelques petites difficultés.
    — Et le roi ? Et le cardinal ?
    — Oh, Madame ! Le roi ne sait même pas ce qu’est
une chambrière, et quant au cardinal, il le sait, mais peu lui chaut. Ces
petites personnes sont trop petites pour entreprendre contre l’État.
    — Du diantre si je sais, dit Madame de Brézolles avec
quelque humeur, pourquoi nos gentilshommes aiment tant les chambrières. Mon
défunt mari en était raffolé.
    — Il y a une réponse à cela, Madame. Une chambrière, de
par son état, ne saurait quereller son maître.
    — Mais je ne suis pas querelleuse, dit Madame de
Brézolles avec vivacité, pour peu qu’on fasse ce que je veux…
    Ne sachant que répondre à cet aveu si franc (et si peu
surprenant), j’envisageai le fond de ma tasse, et y découvrant un reste de
tisane, je le bus et, posant ma tasse qui était de porcelaine et joliment
décorée, je formulai enfin la question qui depuis une heure me brûlait les
lèvres :
    — Eh bien, Madame, que faisons-nous enfin pour cette
location ?
    — Moi, Comte, dit-elle comme indignée, louer ma maison
à un gentilhomme de votre qualité ! À Dieu ne plaise ! Vous serez mon
hôte. À charge seulement pour vous de nourrir vos Suisses et vos chevaux. J’ai
de beaux communs où vos Suisses seront fort bien gîtés, et pourront faire leur
cuisine sans déranger personne. Vous-même et Monsieur de Clérac vous logerez au
château et je serai

Weitere Kostenlose Bücher