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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges TABET , André TABET
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scène.
    Lucien, de ses commandes, envoya le jus.
    La décoration d’œillets fut inondée d’un éclairage vif de teinte orange. C’était d’un goût affreux, cette croix gammée, symbole germanique dominant l’Opéra, édifice construit pour couronner le règne de Napoléon III, Empereur des Français vaincu par les hordes de Bismarck !
    Stanislas Lefort dirigeait toujours.
    L’orchestre approchait de la Coda, en crescendo, quand, soudain, les portes de la salle s’ouvrirent avec fracas.
    Une escouade de soldats allemands fit irruption dans la salle. Casqués, mitraillettes au poing, ils allèrent vivement se poster de façon menaçante à chaque issue.
    Lefort se retourna, effaré de cette entrée non prévue par la mise en scène. On ne répétait d’ailleurs pas pour la figuration.
    C’est alors que pénétra, entre les rangées des fauteuils de velours rouge, un officier allemand : carrure puissante, mâchoire solide, cou de taureau, front massif. Son visage était empourpré et ses yeux enflammés.
    On eût dit l’intrusion du Baron Scarpia entouré de ses sbires, dans la chapelle des Attavanti, au premier acte de la Tosca.
    Cet homme effrayant, c’était le Major Achbach, un des chefs redoutés des services de protection de l’Armée, de triste mémoire.
    — Silence ! hurla-t-il. Arrêtez la musique !
    L’orchestre se tut, épouvanté.
    Le Major poursuivit, inexorable, mordant dans les mots comme dans des saucisses de Francfort :
    — Tout le monde rester ici ! Sortie, verboten !
    Au deuxième balcon, les conspirateurs qui avaient préparé l’attentat retenaient leur souffle, se croyant découverts, dénoncés.
    — Nous sommes foutus ! soupira Bébert blanc de peur.
    Dans la fosse, les musiciens, l’instrument sous le bras, s’étaient levés, sur la pointe des pieds, pour apercevoir, au-dessus de la balustrade, la cause de ce tumulte dans la salle.
    Le spectacle n’avait rien de rassurant, à cette époque où tous les malheurs étaient possibles, et quotidiens. Nul ne pouvait se dire à l’abri.
    Le Major Achbach haranguait d’un ton comminatoire tout l’Opéra, machinistes, musiciens et électriciens muets d’angoisse. Seul, Stanislas Lefort, dont les regards dardaient des épées, semblait faire front à l’orage, les bras croisés, avec dans le corps une irritation croissante.
    — Un parachutiste anglais est tombé sur l’Opéra où il a dû entrer, déclama l’Allemand. Verboten donner assistance sous peine de la mort !
    Ayant ainsi prévenu son monde, le Major consentit à s’approcher du chef d’orchestre et se présenta assez sèchement :
    — Major Achbach ! Sur Paris nous avons abattu bombardier britannique venu pour narguer armée allemande. Deux aviateurs déjà prisonniers ! dit-il avec morgue. Un ici se cache… Il faut aider moi mettre la main dessus.
    — Avec plaisir ! C’est la moindre des choses…, grommela Lefort entre ses dents, comme on dit « Foutez-moi la paix ».
    — Je suis fâché, plaisanta Achbach soudain suave, bien fâché que je dois arrêter la musique.
    — C’est un ordre ? demanda Lefort le sourcil insolent et rejetant la tête en arrière orgueilleusement.
    —  Ia ! (Ce Ia sonna comme une porte qu’on claque au nez d’un importun.)
    Stanislas lui tourna le dos et annonça à l’orchestre :
    — Messieurs ! vous avez entendu ? Les violons doivent laisser leur place aux mitraillettes… Ce soir, ça va faire du joli !
    Un sang impétueux lui brûlait les joues. Dans un mouvement de rage impuissante, il brisa sa baguette et s’enfuit vers sa loge…
    — Vous vous figurez que la musique est à vos ordres ? disait-il, ivre d’indignation. Mais la musique, elle se fout de vos casques de gendarmes et de vos ceinturons en peau de vache !

X
    Peter, blessé, était soutenu par Augustin. Ils s’étaient introduits, par le toit, dans un modeste immeuble, et se tenaient immobiles, paralysés par la crainte d’être découverts.
    Comme la cage d’escalier semblait calme, ils échangèrent quelques mots, à voix basse :
    — On descend, dit Augustin, on traverse le trottoir, trois pas, je vous mets dans ma camionnette à bras et je vous traîne chez moi… Je vous prête un vieux costume et… chacun pour soi, compris ?
    —  No ! s’excusa Peter.
    Augustin eut un geste d’impatience, et entraîna l’Anglais dans l’escalier.
    Du sixième, ils descendaient au cinquième étage lorsqu’un vacarme de

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