La guerre de l'opium

aimait.
    —  Hong Xiuquan paraît en tout cas très énergique. Je ne serais pas étonné qu’il arrive à ses fins… lui répondit ce dernier.
    —  Les taoïstes sont-ils si dangereux que ça   ?
    —  M. Roberts n’a pas tort lorsqu’il dit que les taoïstes fomentèrent certains troubles…
    —  Vraiment   ?
    —  Les Turbans Jaunes faillirent mettre l’Empire à bas   ! Tout comme les Sourcils Rouges AU , d’ailleurs…
    —  Ils ont tous de drôles de couleurs, tes taoïstes rebelles   ! pouffa la jeune Anglaise.
    Le jaune est la couleur de l’empereur, le rouge celle du bonheur…
    Le rire cristallin de Laura retentit dans la pièce où il ne restait plus que les deux jeunes gens.
    —  J’opte pour le rouge   ! s’écria-t-elle avant de poser ses lèvres sur celles de La Pierre de Lune.

 
    22
     
    Canton, 30 mai 1847
     
    Sérénité Accomplie n’était pas fâché de revenir chez lui.
    Après les trois jours passés à pratiquer le Grand Rituel et à régénérer ses souffles, il s’était rendu à Foshan, une ville ouvrière située à une trentaine de kilomètres de Canton, où il avait séjourné pendant une semaine dans une petite auberge de la montagne du Lotus où les paysans exhumaient de nombreuses et fort belles, statues bouddhiques.
    —  Comment s’est passée ta tournée provinciale   ? lui demanda Tang, venu accueillir son cousin sur le seuil de sa demeure.
    Les deux hommes s’inclinèrent l’un devant l’autre avant de se donner l’accolade.
    —  Je ramène trois caisses de statues anciennes. À Foshan, les gens n’ont même pas idée de leur valeur. Pour un petit sac de riz, tu as ce que tu veux   !
    —  La pêche aura été bonne. Tu n’es pas parti pour rien en tournée. Je suis content pour toi… fit Tang, sincèrement satisfait pour son cousin, en lui tendant le bol de thé vert qu’il lui avait préparé.
    Sérénité Accomplie commença par en boire une gorgée puis s’interrompit avant de le reposer sur la table.
    —  Au fait, tu ne m’as pas dit comment s’était passée la visite des Elliott   ?
    —  On ne peut mieux… La femme du consul aurait volontiers dévalisé tout ton stock. Elle doit reprendre contact avec toi. L’avidité se lisait sur son faciès   !
    —  J’imagine d’ici le spectacle…
    —  Si tu avais vu son excitation   ! À croire qu’il y a gros à gagner dans le commerce des antiquités entre la Chine et l’Angleterre.
    —  Si on continue à laisser faire ces maudits Anglais, bientôt, il ne restera plus rien des trésors de ce pauvre pays… soupira Sérénité Accomplie avant de s’abattre avec lassitude sur l’un des canapés du salon.
    —  Tu m’as l’air fatigué. Tu devrais aller te reposer   ! lui lança Tang.
    Sérénité Accomplie fit signe à Tang de venir s’asseoir à côté de lui.
    —  Il faut que je te parle en toute confidence.
    —  Je t’écoute   !
    —  Que comptes-tu faire de La Pierre de Lune, lorsque tu auras mis la main sur lui   ?
    —  Je crois te l’avoir dit : je m’efforcerai de le mettre à l’abri. Cet enfant court les plus graves dangers.
    —  Mais encore   ?
    —  Je n’ai pas encore réfléchi au sujet. Comme l’enseigne Confucius, chaque chose devant être faite en son temps, jusqu’à maintenant, je ne me suis pas posé la question…
    —  C’est normal   !
    —  Que ferais-tu à ma place, ô mon cher cousin   ?
    —  Diras-tu la vérité à La Pierre de Lune sur ses origines impériales   ? Iras-tu trouver Daoguang pour lui rendre son fils   ?
    —  Si je devais cacher la vérité sur son père à cet enfant, je n’agirais pas en homme d’honneur   ! Je dois réparer ma faute à son égard. Ce garçon est innocent. Un enfant n’est pas responsable de la façon dont il est venu au monde. Il a failli périr… Tout ça en quelque sorte par ma faute   !
    —  Tu comptes donc le ramener à Pékin   ?
    —  C’est à lui de décider   ! À seize ans, on a son mot à dire quant à l’orientation qu’on entend donner à sa vie   ! Je ne lui imposerai rien. Je me bornerai à lui expliquer la situation… Mais pourquoi ces questions si pressantes   ?
    L’antiquaire baissa les yeux, reprit son bol de thé et en but une gorgée avant de s’enfermer dans un surprenant mutisme.
    —  Ai-je été maladroit avec toi   ? lui lança Tang, quelque peu dérouté.
    Sérénité Accomplie cachait du mieux qu’il pouvait son