La Guerre des Gaules
partirait le soulèvement ; des réunions se tenaient la nuit dans des lieux déserts. De tout l'hiver, César n'eut pour ainsi dire pas un moment de répit : sans cesse il recevait quelque avis sur les projets des Gaulois, sur la révolte qu'ils préparaient. Il apprit notamment de Lucius Roscius, qu'il avait mis à la tête de la treizième légion, que des forces gauloises importantes, appartenant aux cités qu'on nomme Armoricaines, s'étaient réunies pour l'attaquer et étaient venues jusqu'à huit milles de son camp, mais qu'à l'annonce de la victoire de César elles s'étaient retirées avec tant de hâte que leur retraite ressemblait à une fuite.
54. César appela auprès de lui les chefs de chaque cité et tantôt par la crainte, en leur signifiant qu'il savait tout, tantôt par la persuasion, il réussit à maintenir dans le devoir une grande partie de la Gaule. Cependant les Sénons, un des peuples gaulois les plus puissants et qui jouit parmi les autres d'une grande autorité, voulurent mettre à mort, par décision de leur assemblée, Cavarinos, que César leur avait donné pour roi, dont le frère Moritasgos régnait quand César arriva en Gaule, et dont les ancêtres avaient été rois ; comme il s'était douté de leurs intentions et avait pris la fuite, ils le poursuivirent jusqu'à la frontière, le détrônèrent et le bannirent ; puis ils envoyèrent des députés à César pour justifier leur conduite, et comme celui-ci avait ordonné que tout le sénat vînt le trouver, ils n'obéirent point. L'impression fut si forte sur ces esprits barbares, quand on sut qu'il s'était trouvé quelques audacieux pour nous déclarer la guerre, il en résulta un tel changement dans les dispositions de tous les peuples, que sauf les Héduens et les Rèmes, à qui César témoigna toujours une particulière estime, les uns à cause de leur vieille et fidèle amitié pour Rome, les autres en raison de leurs services récents dans la guerre gauloise, il n'y eut guère de cité qui ne nous donnât lieu de la soupçonner. Est-ce bien étonnant ? je ne sais ; car outre maint autre motif, une nation qu'on plaçait, pour sa valeur guerrière, plus haut que toutes, ne se voyait pas sans un vif chagrin déchue de cette réputation au point d'être soumise à la souveraineté de Rome.
55. Les Trévires, avec Indutiomaros, firent plus de tout l'hiver, ils ne cessèrent d'intriguer au-delà du Rhin, envoyant des ambassades, essayant de gagner les cités, promettant de l'argent, racontant que la plus grande partie de notre armée avait été détruite, qu'il en restait bien moins de la moitié. Et pourtant, aucun peuple germain ne se laissa persuader de passer le Rhin : « Ils en avaient fait deux fois l'expérience, avec la guerre d'Arioviste et avec l'émigration des Tencthères : ils n'étaient pas disposés à tenter encore la fortune. » Déchu de cet espoir, Indutiomaros ne s'en mit pas moins à rassembler des troupes, à les exercer, à se fournir de chevaux chez les voisins, à attirer par de grandes promesses les exilés et les condamnés de la Gaule entière. Et tel était le crédit que ces initiatives lui avaient déjà acquis en Gaule, que de toutes parts accouraient à lui des ambassades sollicitant, à titre public ou privé, la faveur de son amitié.
56. Lorsqu'il vit qu'on venait à lui avec cet empressement, et que d'un côté, les Sénons et les Carnutes étaient poussés à la révolte par le souvenir de leurs crimes, que de l'autre les Nerviens et les Atuatuques se préparaient à la guerre, qu'enfin les volontaires ne manqueraient pas de venir en foule quand il aurait commencé d'avancer hors de son pays, il convoque l'assemblée armée. C'est là, selon l'usage des Gaulois, l'acte initial de la guerre une loi, la même chez tous, veut que tous ceux qui ont l'âge d'homme y viennent en armes ; celui qui arrive le dernier est livré, en présence de la multitude, aux plus cruels supplices. Dans cette assemblée, il déclare Cingétorix ennemi public et confisque ses biens : c'était le chef du parti adverse, et son gendre ; nous avons dit plus haut qu'il s'était donné à César et lui était resté fidèles. Après cela, Indutiomaros fait connaître à l'assemblée qu'il est appelé par les Sénons et les Carnutes et par beaucoup d'autres cités de la Gaule il se propose d'y aller en traversant le pays des Rèmes, dont il dévastera les terres, et, auparavant, il attaquera le camp de
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