La Guerre des Gaules
Il fut un temps où les Gaulois surpassaient les Germains en bravoure, portaient la guerre chez eux, envoyaient des colonies au-delà du Rhin parce qu'ils étaient trop nombreux et n'avaient pas assez de terres. C'est ainsi que les contrées les plus fertiles de la Germanie, au voisinage de la forêt Hercynienne, forêt dont Eratosthène et certains autres auteurs grecs avaient, à ce que je vois, entendu parler, – ils l'appellent Orcynienne – furent occupées par les Volques Tectosages, qui s'y fixèrent ; ce peuple habite toujours le pays, et il a la plus grande réputation de justice et de valeur militaire. Mais aujourd'hui, tandis que les Germains continuent de mener une vie de pauvreté et de privations patiemment supportées, qu'ils n'ont rien changé à leur alimentation ni à leur vêtement, les Gaulois, au contraire, grâce au voisinage de nos provinces et au commerce maritime, ont appris à connaître la vie large et à en jouir peu à peu, ils se sont accoutumés à être les plus faibles et, maintes fois vaincus, ils renoncent eux-mêmes à se comparer aux Germains pour la valeur militaire.
25. Cette forêt Hercynienne, dont il été question plus haut, a une largeur équivalant à huit journées de marche d'un voyageur légèrement équipé : c'est le seul moyen d'en déterminer les dimensions, les Germains ne connaissant pas les mesures itinéraires. Elle commence aux frontières des Helvètes, des Némètes et des Rauraques, et, en suivant la ligne du Danube, va jusqu'aux pays des Daces et des Anartes ; à partir de là, elle tourne à gauche en s'écartant du fleuve, et, en raison de son étendue, touche au territoire de bien des peuples ; il n'est personne, dans cette partie de la Germanie, qui puisse dire qu'il en a atteint l'extrémité, après soixante jours de marche, ou qu'il sait en quel lieu elle se termine ; il s'y trouve, assure-t-on, beaucoup d'espèces de bêtes sauvages qu'on ne voit pas ailleurs ; celles qui diffèrent le plus des autres et paraissent le plus dignes d'être notées sont les suivantes.
26. Il y a un bœuf ressemblant au cerf, qui porte au milieu du front, entre les oreilles, une corne unique, plus haute et plus droite que les cornes de nous connues ; à son sommet elle s'épanouit en empaumures et rameaux. Mâle et femelle sont de même type, leurs cornes ont même forme et même grandeur.
27. Il y a aussi les animaux qu'on appelle élans. Ils ressemblent aux chèvres et ont même variété de pelage ; leur taille est un peu supérieure, leurs cornes sont tronquées et ils ont des jambes sans articulations : ils ne se couchent pas pour dormir, et, si quelque accident les fait tomber, ils ne peuvent se mettre debout ni même se soulever. Les arbres leur servent de lits : ils s'y appuient et c'est ainsi, simplement un peu penchés, qu'ils dorment. Quand, en suivant leurs traces, les chasseurs ont découvert leur retraite habituelle, ils déracinent ou coupent au ras du sol tous les arbres du lieu, en prenant soin toutefois qu'ils se tiennent encore debout et gardent leur aspect ordinaire. Lorsque les élans viennent s'y accoter comme à leur habitude, les arbres s'abattent sous leur poids, et ils tombent avec eux.
28. Une troisième espèce est celle des urus. Ce sont des animaux dont la taille est un peu au-dessous de celle de l'éléphant, et qui ont l'aspect général, la couleur et la forme du taureau. Ils sont très vigoureux, très agiles, et n'épargnent ni l'homme ni l'animal qu'ils ont aperçu. On s'applique à les prendre à l'aide de pièges à fosse, et on les tue ; cette chasse fatigante est pour les jeunes gens un moyen de s'endurcir, et ils s'y entraînent : ceux qui ont tué le plus grand nombre de ces animaux en rapportent les cornes pour les produire publiquement à titre de preuve, et cela leur vaut de grands éloges. Quant à habituer l'urus à l'homme et à l'apprivoiser, on n'y peut parvenir, même en le prenant tout petit. Ses cornes, par leur ampleur, leur forme, leur aspect, sont très différentes de celles de nos bœufs. Elles sont fort recherchées : on en garnit les bords d'un cercle d'argent, et on s'en sert comme de coupes dans les grands festins.
29. Lorsque César apprit par les éclaireurs ubiens que les Suèves s'étaient retirés dans les forêts, craignant de manquer de blé, car, ainsi que nous l'avons dit, l'agriculture est fort négligée de tous les Germains, il résolut de ne pas aller plus avant ; toutefois,
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