La Guerre des Gaules
ayez-en pour témoins les Romains eux mêmes : car c'est la terreur de cet événement qui les fait travailler nuit et jour à leurs fortifications. Qu'est-ce donc que je conseille ? Faire ce que nos ancêtres ont fait dans la guerre qui n'était nullement comparable à celle-ci, une guerre des Cimbres et des Teutons obligés de s'enfermer dans leurs villes et pressés comme nous par la disette, ils ont fait servir à la prolongation de leurs existences ceux qui, trop âgés, étaient des bouches inutiles, et ils ne se sont point rendus. N'y eût-il pas ce précédent, je trouverais beau néanmoins que pour la liberté nous prenions l'initiative d'une telle conduite et en léguions l'exemple à nos descendants. Car en quoi cette guerre-là ressemblait-elle à celle d'aujourd'hui ? Les Cimbres ont ravagé la Gaule et y ont déchaîné un grand fléau : du moins un moment est venu où ils ont quitté notre sol pour aller dans d'autres contrées ; ils nous ont laissé notre droit, nos lois, nos champs, notre indépendance. Mais les Romains, que cherchent-ils ? Que veulent-ils ? C'est l'envie qui les inspire lorsqu'ils savent qu'une nation est glorieuse et ses armes puissantes, ils rêvent de s'installer dans ses campagnes et au cœur de ses cités, de lui imposer pour toujours le joug de l'esclavage. Jamais ils n'ont fait la guerre autrement. Si vous ignorez ce qui se passe pour les nations lointaines, regardez, tout près de vous, cette partie de la Gaule qui, réduite en province, ayant reçu des lois, des institutions nouvelles, soumise aux haches des licteurs, ploie sous une servitude éternelle.
78. Après discussion, on décide que ceux qui, malades ou trop âgés, ne peuvent rendre de services, sortiront de la ville, et qu'on tentera tout avant d'en venir au parti extrême de Critognatos ; mais on y viendra, s'il le faut, si les secours tardent, plutôt que de capituler ou de subir les conditions de paix du vainqueur. Les Mandubiens, qui pourtant les avaient accueillis dans leur ville, sont contraints d'en sortir avec leurs enfants et leurs femmes. Arrivés aux retranchements romains, ils demandaient, avec des larmes et toutes sortes de supplications, qu'on voulût bien les accepter comme esclaves et leur donner quelque nourriture. Mais César disposa sur le rempart des postes de garde et interdisait de les recevoir.
79. Sur ces entrefaites, Commios et les autres chefs à qui on avait donné le haut commandement arrivent devant Alésia avec toutes leurs troupes et, ayant occupé une colline située en retrait, s'établissent à mille pas à peine de nos lignes. Le lendemain, ils font sortir leur cavalerie et couvrent toute la plaine dont nous avons dit qu'elle avait trois milles de long ; leur infanterie, ils la ramènent un peu en arrière et l'établissent sur les pentes en la dérobant à la vue des Romains. D'Alésia, la vue s'étendait sur cet espace. Quand on aperçoit l'armée de secours, on s'assemble, on se congratule, tous les cœurs bondissent d'allégresse. Les assiégés font avancer leurs troupes et les établissent en avant de la ville ; ils jettent des passerelles sur le fossé le plus proche ou le comblent de terre, ils s'apprêtent à faire une sortie et à braver tous les hasards.
80. César dispose toute son infanterie sur ses deux lignes de retranchement afin que, en cas de besoin, chacun soit à son poste et le connaisse ; puis il ordonne que la cavalerie sorte du camp et engage le combat. De tous les camps, qui de toutes parts occupaient les crêtes, la vue plongeait, et tous les soldats, le regard attaché sur les combattants, attendaient l'issue de la lutte. Les Gaulois avaient disséminé dans les rangs de leur cavalerie des archers et des fantassins armés à la légère, qui devaient se porter au secours des leurs s'ils faiblissaient et briser les charges des nôtres. Blessés par eux à l'improviste, beaucoup de nos hommes abandonnaient le combat. Persuadés de la supériorité de leurs troupes, et voyant les nôtres accablés par le nombre, les Gaulois, de toutes parts, ceux qui étaient enfermés dans l'enceinte de nos lignes et ceux qui étaient venus à leur secours, encourageaient leurs frères d'armes par des clameurs et des hurlements. Comme l'action se déroulait sous les yeux de tous, et qu'il n'était pas possible qu'un exploit ou une lâcheté restassent ignorés, des deux côtés l'amour de la gloire et la crainte du déshonneur excitaient les hommes à se
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