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La Guerre Du Feu

La Guerre Du Feu

Titel: La Guerre Du Feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: J.H. Rosny aîné
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s’accoutumait aux discours, au tournoiement des armes ; elle fixait la lumière verte de ses yeux, déjà rouverts, sur la singulière silhouette verticale. Et quoiqu’elle se souvînt des coups terribles de la massue, elle ne redoutait plus d’autres coups, la nature des êtres étant de croire à la persistance de ce qu’ils voient se renouveler. Puisque, chaque fois, Naoh levait sa massue sans l’abattre, elle s’attendait qu’il ne l’abattrait point. Comme, d’autre part, elle avait connu que l’homme était redoutable, elle ne le considérait plus comme une proie, elle se familiarisait simplement avec sa présence, et la familiarité sans but, pour toutes les bêtes, est une sorte de sympathie. Naoh, à la fin, trouvait plaisir à laisser vivre la féline : sa victoire en était plus continue et plus sûre. Et, par là, lui aussi ressentait pour elle un confus attachement.
    Le temps vint où, pendant l’absence du lion géant, Naoh ne se rendit plus seul à la rivière : Gaw s’y traînait après lui. Lorsqu’ils avaient bu, ils rapportaient à boire pour Nam dans une écorce creuse. Or, le cinquième soir, la tigresse avait rampé au bord de l’eau, à l’aide de son corps plutôt qu’avec ses pattes, et elle buvait péniblement, car la rive s’inclinait. Naoh et Gaw se mirent à rire.
    Le fils du Léopard disait :
    – Une hyène est maintenant plus forte que la tigresse..., les loups la tueraient !
    Puis, ayant empli d’eau l’écorce creuse, il se plut, par bravade, à la poser devant la tigresse. Elle feula doucement, elle but. Cela divertit les Nomades, si bien que Naoh recommença. Ensuite, il s’écria avec moquerie :
    – La tigresse ne sait plus boire à la rivière !
    Et son pouvoir lui plaisait.

    C’est le huitième jour que Nam et Gaw se crurent assez forts pour franchir l’étendue et que Naoh prépara la fuite pour la nuit prochaine. Cette nuit descendit, humide et pesante : le crépuscule d’argile rouge traîna longtemps au fond du ciel ; les herbes et les arbres ployaient sous la bruine ; les feuilles tombaient avec un bruit d’ailes chétives et une rumeur d’insectes. De grandes lamentations s’élevaient de la profondeur des futaies et des brousses grelottantes, car les fauves étaient tristes et ceux qui n’avaient pas faim se terraient dans leur repaire.
    Tout l’après-midi, le lion-tigre montra du malaise ; il sortait de son sommeil avec un frémissement : l’image d’un abri solide, telle la caverne où il avait vécu avant le cataclysme, traversait sa mémoire. Il avait choisi un creux sur la savane, il l’avait en partie aménagé pour lui et la tigresse, mais il n’y vivait pas à l’aise. Naoh songeait que, sans doute, cette nuit, en même temps qu’il partirait en chasse, il rechercherait quelque gîte. Son absence serait longue. Les Oulhamr auraient le temps de franchir la rivière ; la bruine favoriserait leur retraite : elle détrempait la terre, elle effaçait l’odeur des traces, que le lion géant ne suivait pas avec subtilité.
    Peu après le crépuscule, le félin commença de roder. D’abord, il explora le voisinage, il s’assura qu’aucune proie n’était proche, puis, comme les autres soirs, il s’enfonça dans la forêt. Naoh attendit, incertain, car l’odeur trop humide des végétaux ne laissait pas facilement transparaître celle des fauves ; le bruit des feuilles et des gouttes d’eau dispersait l’ouïe. À la fin, il donna le signal, prenant la tête de l’expédition, tandis que Nam et Gaw suivaient à droite et à gauche. Cette disposition permettait de mieux prévoir les approches et rendait les Nomades plus circonspects. Il fallait d’abord franchir la rivière. Naoh, pendant ses sorties, avait découvert un endroit guéable jusque vers le milieu du courant. Ensuite, il fallait nager vers un roc, où le gué recommençait. Avant d’entreprendre la traversée, les guerriers brouillèrent leurs traces ; ils tournèrent quelque temps auprès de la rivière, coupant et reprenant les lignes, s’arrêtant et piétinant de manière à renforcer l’empreinte de leur passage. Il fallait se garder aussi de prendre directement le gué : ils le gagnèrent à la nage.
    Sur l’autre rive, ils recommencèrent d’entrecroiser leurs pas, décrivant de longs lacets et des courbes capricieuses, puis ils sortirent de ces méandres sur des amas d’herbes arrachées dans la savane. Ils posaient ces amas deux

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