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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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l’armée russe, cause de tant de soucis pour Napoléon, présenta un phénomène extraordinaire : les généraux perdirent de vue l’armée russe, forte de 60 000 hommes. Ce ne fut, d’après M. Thiers, que le talent et peut-être le génie de Murat qui parvinrent à découvrir cette « tête d’épingle ».
    Dans son activité diplomatique, les arguments employés par Napoléon pour démontrer sa générosité et sa justice en causant avec Toutolmine et Iakovlew furent également superflus : Alexandre ne reçut pas ses ambassadeurs, et ne répondit pas à leur mission. En ce qui concerne ses mesures juridiques, malgré le supplice des faux incendiaires, la moitié de Moscou brûla. Ses mesures administratives ne furent pas plus heureuses : l’institution de la municipalité n’arrêta pas le pillage, et ne profita qu’aux individus qui en firent partie ; ceux-là, sous prétexte de rétablir l’ordre, pillaient pour leur compte, ou ne s’occupaient que de préserver leur propre avoir. Dans la sphère religieuse, la visite à la mosquée, qui, en Égypte, avait si bien réussi, ne porta à Moscou aucun fruit. Deux ou trois prêtres essayèrent d’exécuter la volonté impériale, mais l’un fut souffleté par un soldat français pendant l’office, et un fonctionnaire fit le rapport suivant sur l’autre : « Le prêtre que j’avais découvert et invité à recommencer à dire la messe a nettoyé et fermé l’église. Cette nuit on est venu de nouveau enfoncer les portes, casser les cadenas, déchirer les livres et commettre d’autres désordres. » Quant au commerce, la proclamation « aux paisibles artisans et aux paysans » resta sans réponse, par la raison qu’il n’y avait pas de « paisibles artisans » et que les « paysans » faisaient la chasse aux émissaires qui s’égaraient jusque chez eux avec cette proclamation, et les tuaient sans merci. Les spectacles organisés pour l’amusement du peuple et des troupes ne réussirent pas davantage ; théâtres ouverts au Kremlin et dans la maison Pozniakow furent aussitôt fermés, car les acteurs et les actrices furent dépouillés de tout ce qu’ils avaient.
    Sa bienfaisance fut également stérile : les faux et les vrais assignats, distribués si généreusement par Napoléon aux malheureux, inondaient Moscou et n’avaient aucun prix, l’argent même était échangé contre de l’or pour la moitié de sa valeur, car les Français ne recherchaient que ce dernier métal. La preuve la plus frappante du manque de vitalité de ces dispositions se trouve dans les efforts que fit Napoléon pour mettre fin au pillage et rétablir la discipline.
    Voilà, en effet, ce que disaient les autorités militaires : « Le pillage continue en ville malgré la défense qui en a été faite ; l’ordre n’est pas rétabli, pas un marchand ne trafique légalement ; seules les vivandières vendent, et encore ce ne sont que des objets volés.
    « La partie de mon arrondissement continue à être en proie au pillage des soldats du 3 ème corps, qui, non contents d’arracher aux malheureux, réfugiés dans des souterrains, le peu qui leur reste, ont même la férocité de les blesser à coups de sabre, comme j’en ai vu plusieurs exemples.
    « Rien de nouveau, sinon que les soldats se permettent de voler et de piller. (9 octobre.)
    « Le vol et le pillage continuent. Il y a une bande de voleurs dans notre district qu’il faudra faire arrêter par de fortes gardes. (11 octobre.)
    « L’Empereur est excessivement mécontent de ce que, malgré la sévérité de ses ordres, on ne voit revenir au Kremlin que des maraudeurs de la garde ; il voit avec douleur que les soldats d’élite choisis pour garder sa personne, appelés à donner l’exemple de la soumission, poussent la désobéissance jusqu’à enfoncer les portes des caves, des magasins préparés pour l’armée ; d’autres se sont abaissés au point de désobéir aux sentinelles et aux officiers de garde, les ont injuriés et même battus.
    « Le grand maréchal du palais se plaint vivement de ce que, malgré les défenses réitérées, les soldats continuent à faire leurs besoins dans toutes les cours, et même jusque sous les fenêtres de l’Empereur. »
    Cette armée, comme un troupeau débandé qui foule à ses pieds le fourrage destiné à le sauver de la famine, fondait peu à peu et périssait sous l’influence du séjour. Elle ne sortit de sa torpeur que

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