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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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côté de lui, un hussard, également à cheval, avait pris en croupe le petit tambour en uniforme déchiré et en bonnet de police bleu, qui se cramponnait au soldat de ses mains rougies par le froid, il regardait autour de lui d’un air étonné, en battant de ses pieds nus les flancs du cheval. Trois ou quatre hussards suivaient, à la file l’un de l’autre, le long de l’étroit sentier de la forêt ; puis venaient les cosaques, qui en bourka, qui en capote française, qui la tête couverte d’une housse de cavalerie. Sous la pluie qui tombait à torrents, on ne distinguait plus la couleur des chevaux ; les bais et les bruns semblaient également noirs, leurs cous s’étaient étrangement amincis sous leurs crinières mouillées, et une épaisse buée s’échappait de leur croupe et leur encolure. Les cavaliers, leurs selles, leurs brides, tout ruisselait d’eau, et avait pris l’apparence triste et flétrie de la terre et des feuilles mortes dont elle était couverte. Les hommes se tenaient immobiles, les bras serrés contre le corps, pour empêcher, autant que possible, un nouveau courant de s’infiltrer sous leurs vêtements ; au milieu d’eux, deux fourgons, attelés de chevaux français portant des selles cosaques, tressautaient sur les branches sèches et les racines, et clapotaient dans l’eau des ornières. Le cheval de Denissow se porta de côté pour éviter une mare, et Denissow se heurta le genou contre un arbre.
    « Eh, que diable ! » s’écria Denissow en colère… et, donnant sa monture deux ou trois coups de fouet, il s’éclaboussa, lui et ses compagnons. Mouillé, affamé, et surtout impatienté de n’avoir pas de nouvelles de Dologhow, et de ne pas voir revenir celui qu’il avait envoyé en avant : « Il ne se représentera jamais une occasion pareille, se disait-il. Attaquer seul, serait trop risquer, et si je remets la partie à un autre jour, un des détachements m’enlèvera le convoi sous le nez… » Et il ne cessait de regarder au loin, dans l’espoir d’apercevoir enfin le messager de Dologhow.
    Débouchant tout à coup dans une clairière d’où l’on avait une large échappée de vue sur la droite, Denissow s’arrêta :
    « Voici quelqu’un ! » dit-il.
    L’essaoul {33} regarda dans la direction indiquée : « Ils sont deux, dit-il, un officier et un cosaque, et il n’est pas à supposer, poursuivit l’essaoul, qui aimait à employer des mots peu usités entre eux, que ce soit le lieutenant-colonel ?»
    Les cavaliers qu’ils avaient aperçus descendirent la montasse, se dérobèrent un moment derrière un repli de terrain et ne tardèrent pas à reparaître. L’officier, les cheveux au vent, les vêtements transpercés, les pantalons remontés jusqu’à mi-jambe par la course qu’il venait de faire, talonnait son cheval fatigué. Un cosaque le suivait au trot, debout sur ses étriers. Cet officier était un tout jeune garçon, aux joues colorées et aux yeux vifs et brillants ; arrivé près de Denissow, il lui remit un pli tout mouillé.
    « De la part du général, dit-il, excusez l’humidité du papier. On n’a fait que nous répéter que c’était si dangereux, ajouta-t-il en se tournant vers l’essaoul, pendant que Denissow, les sourcils froncés, décachetait l’enveloppe… Aussi avons-nous pris nos précautions avec l’ami Komarow, continua-t-il en indiquant son cosaque ; nous avions chacun deux pistolets… Mais qu’est-ce donc ? et il désigna le petit tambour… un prisonnier ? Avez vous déjà eu une affaire ? Peut-on lui parler ?
    – Rostow ! s’écria Denissow… Comment, Pétia, ne m’as-tu pas dit tout de suite que c’était toi ?… » Et il lui tendit la main en souriant.
    Tout le long de la route, Pétia Rostow s’était tracé la ligne de conduite que, d’après lui, il devait suivre à l’égard de Denissow, ainsi qu’il convenait à un homme fait, à un officier, sans faire la moindre allusion à leurs relations passées ; mais, à cet accueil affectueux, sa figure s’illumina, il rougit de joie et, oubliant la tenue officielle qu’il s’était promis de garder, il lui raconta comment il avait passé devant les Français, combien il était fier de la mission qu’on venait de lui confier, et comment il avait déjà vu le feu à Viazma, où un hussard s’était distingué.
    « Je suis enchanté de te voir, lui dit Denissow en reprenant son air soucieux.
    – Michel Théoclititch,

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