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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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complètement, si sincèrement à ce nouveau sentiment, qu’elle ne cherchait même pas à cacher que la douleur s’était effacée pour faire place à la joie.
    Lorsque la princesse Marie retourna dans sa chambre après son explication avec Pierre, Natacha l’attendait sur le seuil.
    « Il a parlé, n’est-ce pas, il a parlé ? répétait-elle avec une expression attendrie et joyeuse qui implorait son pardon. J’ai eu envie d’écouter à la porte, mais je savais bien que tu me dirais tout. »
    Quelque sincère, quelque touchant que fût son regard, ces paroles ne laissèrent pas de blesser la princesse Marie ; elle pensa à son frère. « Qu’y faire ? se dit-elle : cela ne peut être autrement… » Et, d’un ton doux et sévère à la fois, elle lui fit part de son entretien avec Pierre. À la nouvelle de son départ pour Pétersbourg, Natacha poussa une exclamation de surprise, mais, devinant aussitôt l’impression pénible qu’elle venait de produire chez son amie :
    « Marie, lui dit-elle, enseigne-moi ce que je dois faire, j’ai si grand’peur d’être mauvaise : j’agirai comme tu me le conseilleras.
    – Tu l’aimes ?
    – Oui, murmura-t-elle.
    – Pourquoi pleures-tu, alors ? J’en suis heureuse, répondit la princesse Marie, sans pouvoir retenir ses larmes.
    – Ce ne sera pas de sitôt, Marie… Pense donc quel bonheur, je deviendrai sa femme, et toi tu épouseras Nicolas.
    – Natacha, je t’avais priée de ne jamais m’en parler. Ne parlons que de toi ! »
    Elles se turent.
    « Mais pourquoi va-t-il à Pétersbourg ? » demanda tout à coup Natacha, et, répondant aussitôt elle-même à sa question, elle ajouta : « Cela doit être ainsi, c’est sans doute mieux… n’est-ce pas, Marie ? »

PREMIÈRE PARTIE
     
    I
    Sept ans, plus tard, l’océan démonté de l’histoire avait regagné ses rives. Il semblait apaisé, mais les forces mystérieuses qui meuvent l’humanité (mystérieuses, parce que nous ignorons les lois de leur mouvement) continuaient à agir.
    Bien que tout parût immobile à la surface de cet océan de l’histoire, l’humanité continuait son mouvement ininterrompu comme celui du temps. Divers groupements humains s’agrégeaient ou se désagrégeaient. Des causes nouvelles de formations et de dislocations d’États mûrissaient, des migrations de peuples se préparaient.
    L’océan de l’histoire ne se portait plus comme auparavant par à-coups d’une de ses rives à l’autre : il bouillonnait dans les profondeurs. Les personnages historiques n’étaient plus portés par les vagues d’une rive à l’autre ; maintenant, ils semblaient tourner sur place. Les personnages historiques qui, auparavant, à la tête des troupes, traduisaient le mouvement des masses par des ordres de guerres, des campagnes, des batailles, cherchaient maintenant à traduire ce mouvement par des combinaisons politiques et diplomatiques, des lois, des traités.
    Cette activité des personnages historiques est appelée par les historiens réaction.
    En décrivant l’activité de ces personnages historiques, cause, d’après eux, de ce qu’ils appellent la réaction, les historiens les condamnent. Tous les gens connus de cette époque, d’Alexandre et de Napoléon à Mme de Staël, Photius, Schelling, Fichte, Chateaubriand et autres, tous passent devant leur sévère tribunal et sont absous ou condamnés suivant qu’ils ont pris part au PROGRÈS ou à la RÉACTION.
    D’après les historiens, une réaction se produisait aussi en Russie durant cette période, et le principal responsable en était Alexandre I er , ce même Alexandre qui, toujours selon eux, avait été le principal instigateur des initiatives libérales du début de son règne et du salut de la Russie.
    Aujourd’hui, dans la littérature russe, depuis le collégien jusqu’à l’historien le plus savant, il n’y a pas un homme qui ne jette la pierre à Alexandre I er pour les fautes qu’il a commises dans cette période de son règne.
    « Il aurait dû agir de telle ou telle manière. En telle circonstance, il a bien agi, en telle autre, il a mal agi. Il s’est admirablement conduit au début de son règne et en 1812 ; mais il a mal agi en donnant une constitution à la Pologne, en faisant la Sainte-Alliance, en donnant pleins pouvoirs à Araktchéiev, en soutenant Golitsyne et le mysticisme, puis en encourageant Chichkov et Photius. Il a mal agi en s’occupant d’exercices

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