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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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pailletait les poteaux : « Ah ! c’est déjà le jour ! » se dit Pierre, qui se rendormit dans l’espérance de comprendre les paroles du Bienfaiteur, qu’il avait entendues en rêve. L’impression qu’elles lui avaient laissée était si vive, que longtemps après il s’en souvint. Il demeura d’autant plus persuadé qu’elles avaient été réellement prononcées, qu’il ne se sentait pas capable de donner cette forme à sa pensée : « La guerre, lui avait dit cette voix mystérieuse, est pour la liberté humaine l’acte de soumission le plus pénible aux lois divines… La simplicité du cœur consiste dans la soumission à la volonté de Dieu, et « Eux » sont simples ! « Eux » ne parlent pas, mais agissent… La parole est d’argent, le silence est d’or… Tant que l’homme redoute la mort, l’homme est un esclave… Celui qui ne la craint pas domine tout… Si la souffrance n’existait pas, l’homme ne connaîtrait pas de limites à sa volonté et ne se connaîtrait pas lui-même… » Il murmurait encore des paroles sans suite lorsque son domestique le réveilla en lui demandant s’il fallait atteler. Le soleil frappait en plein le visage de Pierre ; il jeta un coup d’œil dans la cour, pleine de boue et de fumier, au milieu de laquelle il y avait un puits : autour de ce puits, des soldats donnaient à boire à leurs chevaux efflanqués, attelés à des charrettes qui sortaient de la cour d’auberge l’une après l’autre. Pierre se retourna avec dégoût, ferma les yeux et se laissa retomber sur les coussins de cuir de sa voiture. « Non, pensa-t-il, je ne veux pas voir toutes ces vilaines choses, je veux comprendre ce qui m’a été révélé pendant mon sommeil. Une seconde de plus et je l’aurais compris. Que faire à présent ? » se dit-il en sentant avec terreur que tout ce qui lui avait paru si clair et si précis en rêve s’était évanoui. Il se leva après avoir appris de son domestique et du dvornik que les Français se rapprochaient de Mojaïsk et que les habitants s’en éloignaient. Il donna l’ordre d’atteler et partit à pied en avant. Les troupes se retiraient également en laissant derrière elles dix mille blessés. On en voyait partout, dans les rues, dans les cours et aux fenêtres des maisons. On n’entendait partout que des cris et des jurons. Pierre, ayant rencontré un général blessé qu’il connaissait, lui offrît une place dans sa calèche, et ils continuèrent ensemble leur route vers Moscou. Chemin faisant, il apprit la mort de son beau-frère et celle du prince André.

X
    Il rentra à Moscou le 30 août ; il en avait à peine franchi la barrière, qu’il rencontra un aide de camp du comte Rostoptchine.
    « Nous vous cherchons partout, lui dit ce dernier : le comte veut vous voir pour une affaire importante et vous prie de passer chez lui. »
    Pierre, sans entrer dans son hôtel, prit un isvostchik et se rendit chez le gouverneur général, qui lui-même venait seulement d’arriver de la campagne. Le salon d’attente était plein de monde. Vassiltchikow et Platow l’avaient déjà vu, et lui avaient déclaré qu’il était impossible de défendre Moscou et que la ville serait livrée à l’ennemi. Bien que l’on cachât cette nouvelle aux habitants, les fonctionnaires civils et les chefs des différentes administrations vinrent demander au comte ce qu’ils devaient faire, afin de mettre à couvert leur responsabilité. Au moment où Pierre entra dans le salon, un courrier de l’armée sortait du cabinet de Rostoptchine. Le courrier répondit par un geste désespéré aux questions qui l’assaillirent de toutes parts et passa outre sans s’arrêter. Pierre porta ses yeux fatigués sur les différents groupes de fonctionnaires civils et militaires, jeunes et vieux, qui attendaient leur tour. Tous étaient inquiets et agités. Il s’approcha de deux de ses connaissances qui causaient ensemble. Après quelques paroles échangées, la conversation interrompue se renoua.
    « On ne peut répondre de rien dans la situation présente, disait l’un.
    – Et pourtant voilà ce qu’il vient d’écrire, répondait l’autre en montrant une feuille imprimée.
    – C’est bien différent : cela, c’est pour le peuple.
    – Qu’est-ce donc ? demanda Pierre.
    – Voilà ! c’est sa nouvelle affiche. »
    Pierre la prit pour la lire.
    « Son Altesse, dans l’intention d’opérer une plus prompte jonction avec

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