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La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
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fois, » répondit celui-ci en se tâtant et en montrant les débris de plâtre détachés du mur. « Quel est cet homme ? » ajouta l’officier en regardant Pierre sévèrement.
    – Ah ! je suis vraiment au désespoir de ce qui vient d’arriver, dit Pierre en oubliant complètement son rôle. C’est un malheureux fou qui ne savait ce qu’il faisait. »
    L’officier s’approcha de l’ivrogne et le prit au collet. Makar Alexéïévitch, la lèvre pendante, se balançait lourdement, appuyé à la muraille.
    « Brigand, tu me le payeras ! lui dit le Français ; nous autres, nous sommes cléments après la victoire, mais nous ne pardonnons pas aux traîtres ! » ajouta-t-il en faisant un geste énergique.
    Pierre, continuant à parler français, le supplia de ne pas tirer vengeance d’un pauvre diable à moitié idiot. L’officier l’écoutait en silence, tout en conservant son air menaçant ; enfin il sourit, et, se tournant vers Pierre, qu’il examina quelques secondes, il lui tendit la main avec une bienveillance exagérée.
    « Vous m’avez sauvé la vie. Vous êtes Français ! » dit-il.
    C’était bien là le langage d’un Français. Un Français seul pouvait accomplir une grande action, et c’en était une sans contredit, et une des plus grandes, que d’avoir sauvé la vie à M. Ramballe, capitaine au 18 ème dragons. Malgré tout ce que cette opinion pouvait avoir de flatteur pour lui, Pierre s’empressa de le détromper.
    « Je suis Russe, répondit-il rapidement.
    – À d’autres, reprit le capitaine en faisant de la main un geste d’incrédulité. Vous me conterez tout cela plus tard… Charmé de rencontrer un compatriote… Qu’allons-nous faire de cet homme ? » poursuivit-il en s’adressant à Pierre comme à un camarade, car, du moment qu’il l’avait bel et bien proclamé Français, il n’y avait plus rien à répliquer.
    Pierre lui expliqua de nouveau qui était Makar Alexéïévitch, comment ce fou lui avait enlevé un pistolet chargé, et il lui réitéra sa prière de ne pas le punir.
    « Vous m’avez sauvé la vie ! répéta son interlocuteur en gonflant sa poitrine et en faisant un geste majestueux. Vous êtes Français, vous me demandez sa grâce, je vous l’accorde !… Qu’on emmène cet homme ! » ajouta-t-il, et, s’emparant du bras de Pierre, il entra avec lui dans la chambre.
    Les soldats qui étaient entrés au bruit du coup de pistolet se montraient tout prêts à faire justice du coupable, mais le capitaine les arrêta d’un air sévère.
    « On vous appellera quand on aura besoin de vous… allez ! »
    Les soldats s’éloignèrent, pendant que le planton, qui avait fait une tournée à la cuisine, s’approchait de son supérieur.
    « Capitaine, lui dit-il, ils ont de la soupe et du gigot de mouton, faut-il vous l’apporter ?
    – Oui, et le vin avec. »

XXIX
    Pierre crut de son devoir de renouveler à son compagnon l’assurance qu’il n’était pas Français et voulut se retirer, mais celui-ci était si poli, si aimable, si bienveillant, qu’il n’eut pas le courage de refuser son invitation, et ils s’assirent tous deux au salon, où le capitaine lui assura de son côté, avec force poignées de main, qu’il était lié à lui pour la vie par sentiment de reconnaissance éternelle, malgré sa singulière idée de vouloir se faire passer pour Russe. S’il avait été doué de la faculté de deviner les pensées secrètes d’autrui, et par conséquent celles de Pierre en ce moment, il l’aurait probablement planté là, mais son manque de pénétration se traduisait par un bavardage intarissable.
    « Français ou prince russe incognito, lui dit-il en regardant tour à tour la chemise sale mais fine de Pierre, et la bague qu’il portait au doigt, je vous dois la vie et je vous offre mon amitié ; un Français n’oublie jamais ni une insulte ni un service. »
    Il y avait tant de bonté, tant de noblesse (du moins au point de vue français) dans l’inflexion de sa voix et dans l’expression de sa figure et de ses gestes, que Pierre lui répondit involontairement par un sourire et serra la main qu’il lui tendait.
    « Je suis le capitaine Ramballe, du 13 ème dragons, décoré pour l’affaire du 7. Voulez-vous me dire avec qui j’ai l’honneur de causer si agréablement dans ce moment, au lieu d’être à l’ambulance avec la balle de ce fou dans le corps ? »
    Pierre répondit, en rougissant, qu’il

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