Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Guerre et la Paix - Tome III

La Guerre et la Paix - Tome III

Titel: La Guerre et la Paix - Tome III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Léon Tolstoï
Vom Netzwerk:
Mme Schoss, qui ne s’étaient pas encore déshabillées. Natacha et sa mère restèrent seules dans la chambre. Pétia les avait quittées le matin même pour s’en aller avec son régiment du côté de Troïtsk. La comtesse se mit à pleurer à la nouvelle de l’incendie de Moscou, tandis que Natacha, les yeux fixes, assise sur le banc, dans le coin des bagages, n’avait fait aucune attention aux paroles de son père ; volontairement elle prêtait l’oreille aux plaintes du malheureux aide de camp blessé, qui lui parvenaient distinctement, quoiqu’elle en fût éloignée de trois ou quatre maisons.
    « Ah ! l’horrible spectacle ! s’écria Sonia en rentrant épouvantée… Je crois que tout Moscou brûle… la lueur est énorme… regarde, Natacha, on la voit d’ici. »
    Natacha se tourna du côté de Sonia sans avoir l’air de la comprendre, et fixa de nouveau ses yeux dans l’angle du poêle. Elle était tombée dans cette espèce de léthargie depuis le matin, depuis le moment où Sonia, à l’étonnement et au grand ennui de la comtesse, avait cru nécessaire de lui annoncer la présence du prince André parmi les blessés, ainsi que la gravité de son état. La comtesse s’était emportée contre Sonia comme elle ne l’avait jamais fait de sa vie. Celle-ci, tout en larmes, avait imploré son pardon et redoublait de soins auprès de sa cousine comme pour effacer sa faute.
    « Vois donc, Natacha, comme ça brûle.
    – Qu’est-ce qui brûle ? demanda Natacha… Ah oui ! Moscou ! » Et, afin de se débarrasser de Sonia sans cependant l’offenser, elle avança la tête vers la fenêtre, et reprit aussitôt sa première position.
    « Mais tu n’as rien vu !
    – J’ai tout vu, au contraire, je t’assure, » dit-elle d’une voix suppliante, qui semblait demander qu’on la laissât en repos.
    La comtesse et Sonia comprirent que rien en ce moment ne pouvait avoir d’intérêt pour elle.
    Le comte se retira derrière la cloison et se coucha. La comtesse s’approcha de sa fille, lui tâta la tête avec le revers de la main, comme elle avait l’habitude de le faire quand elle était malade, et posa ses lèvres sur son front, pour voir si elle avait de la fièvre.
    « Tu as froid, lui dit-elle en l’embrassant. Tu trembles, tu devrais te coucher.
    – Me coucher ? Ah oui ! je vais me coucher tout à l’heure, » répondit-elle.
    Lorsque Natacha avait appris que le prince André était grièvement blessé et qu’il voyageait avec eux, elle avait fait questions sur questions pour savoir comment et quand c’était arrivé, et si elle pouvait le voir. On lui répondit que c’était impossible, que sa blessure était grave, mais que sa vie n’était pas en danger. Convaincue alors que, malgré toutes ses instances, on ne lui répondrait rien de plus, elle s’était tue et était restée immobile dans le fond de la voiture, comme elle l’était en ce moment sur le banc, dans le coin de la chambre. À voir ses yeux grands ouverts et fixes, la comtesse devinait comme elle en avait fait souvent l’expérience, que sa fille roulait dans sa tête quelque projet ; la décision inconnue qu’elle allait prendre l’inquiétait au plus haut degré.
    « Natacha, mon enfant, déshabille-toi, viens te coucher sur mon lit. »
    (La comtesse seule en avait un : Mme Schoss et les jeunes filles couchaient sur du foin.)
    « Non, maman, je me coucherai là, par terre, » répondit Natacha avec un mouvement d’impatience, et, s’approchant de la fenêtre, elle l’ouvrit.
    Les plaintes du blessé se faisaient toujours entendre ; elle passa la tête hors de la fenêtre, dans l’air humide de la nuit, et sa mère s’aperçut que sa poitrine était secouée par des sanglots convulsifs. Natacha savait que celui qui souffrait ainsi n’était pas le prince André, elle savait aussi que ce dernier était couché dans l’isba contiguë à la leur, mais ces plaintes incessantes lui arrachaient des larmes involontaires. La comtesse échangea un regard avec Sonia.
    « Viens, couche-toi, mon enfant, répéta-t-elle en lui touchant légèrement l’épaule.
    – Oui, tout de suite, » répondit Natacha en se déshabillant à la hâte et en arrachant, pour aller plus vite, les cordons de ses jupons.
    Après avoir passé sa camisole, elle s’assit par terre sur le lit qui avait été préparé, et, jetant ses cheveux par-dessus son épaule, elle commença à les tresser. Tandis que de ses

Weitere Kostenlose Bücher