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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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vrai. Je savais comment on faisait les bébés. Il avait son rôle à jouer
là-dedans et il devait l’avoir joué de son plein gré. En outre, si difficile de
caractère Catharina fût-elle, je l’avais souvent vu la regarder, lui toucher
l’épaule, lui parler d’une voix câline.
    Je n’aimais pas penser à lui
avec femme et enfants. Je préférais l’imaginer seul dans son atelier. Ou pas
seul, mais juste avec moi.
    « Vous avez un autre
frère, les filles, dit-il. Il s’appelle Franciscus. Aimeriez-vous le
voir ? »
    Il les fit entrer. Je restai
dans la rue, tenant Johannes dans les bras.
    Tanneke ouvrit les volets des
fenêtres inférieures de la grande salle et se pencha dehors.
    « Comment va notre
maîtresse ? demandai-je.
    — Oh ! bien. Elle
fait toujours beaucoup de bruit, mais tout se passe bien. C’est une vraie
poulinière. Les bébés vous sortent d’elle aussi facilement que la châtaigne de
sa bogue. Entre donc. Le maître veut rendre grâces à Dieu. »
    J’avais beau me sentir mal à
l’aise, je ne pouvais refuser de prier avec eux. Les protestants en auraient
fait autant après une naissance sans incident. J’emmenai Johannes dans la
grande salle ; à présent, on y voyait clair et elle était animée. Sitôt
que je posai l’enfant à terre, il se dirigea d’un pas incertain vers ses soeurs
rassemblées autour du lit dont on avait ouvert les rideaux. Soutenue par des
oreillers, Catharina berçait son bébé dans ses bras. Bien qu’épuisée, elle
souriait. Pour une fois, on la sentait heureuse. Debout près d’elle, mon maître
contemplait son nouveau fils. Aleydis lui tenait la main. Tanneke et la
sage-femme emportaient bassins et draps tachés de sang tandis que la nouvelle
nourrice attendait près du lit.
    Maria Thins arriva des cuisines
avec un pichet de vin et trois verres sur un plateau. Lorsqu’elle le posa, il
lâcha la main d’Aleydis et s’éloigna du lit. Maria Thins et lui
s’agenouillèrent. Laissant là ce qu’elles faisaient, Tanneke et la sage-femme
les imitèrent. La nourrice, les enfants et moi, nous agenouillâmes à notre
tour. Forcé par Lisbeth de s’asseoir, Johannes se mit à gigoter et à crier.
    Mon maître dit une prière pour
remercier Dieu de lui avoir donné un fils et d’avoir épargné Catharina. Il
ajouta quelques phrases catholiques en latin, inintelligibles pour moi, mais
cela me gêna à peine : j’aimais entendre sa voix dense et apaisante.
    Lorsqu’il eut terminé, Maria
Thins remplit de vin les trois verres. Mon maître, Catharina et elle-même
burent à la santé du nouveau-né. Puis Catharina tendit le bébé à la nourrice
qui lui donna le sein.
    Tanneke me fit un signe, nous
allâmes toutes deux chercher du pain et du hareng fumé pour la sage-femme et
les filles.
    « Il va falloir commencer
à préparer la fête pour célébrer la naissance, remarqua Tanneke alors que nous
sortions le pain et le hareng fumé. Notre jeune maîtresse souhaite une grande
réception. Une fois de plus, nous ne saurons plus où donner de la tête. »
    Ce fut la plus grande fête que
je devais voir dans cette maison. Nous avions dix jours pour tout organiser,
dix jours pour le grand nettoyage de la maison et pour préparer le repas. Maria
Thins engagea deux jeunes filles pour la semaine afin de nous seconder, Tanneke
et moi, tant pour la cuisine que pour le ménage. Celle qui devait m’aider
n’était pas très dégourdie, mais elle travaillait bien si je lui donnais des
instructions précises et que je ne la perdais pas de vue. Un jour, nous lavâmes
les nappes et les serviettes dont nous aurions besoin pour le banquet ainsi que
tout le linge de la maison : chemises, robes, bonnets, cols, mouchoirs,
coiffes, tabliers. Propre ou sale qu’importe, tout passa à la lessive. Un autre
jour, nous lavâmes les draps. Nous nettoyâmes ensuite les chopes, les verres,
les assiettes en céramique, les cruches, les casseroles en cuivre, les poêles à
crêpes, les grils et les broches, les cuillers, les louches et la vaisselle
qu’avaient prêtée les voisins. Nous astiquâmes les objets en cuivre et en
argent. Nous retirâmes les rideaux et les secouâmes au-dehors. Nous battîmes
tapis et coussins. Nous cirâmes le bois des lits, les armoires, les tables, les
chaises et les rebords des fenêtres.
    À la fin, mes mains crevassées
saignaient.
    Tout était propre pour la fête.
    Pour l’occasion, Maria Thins
commanda de l’agneau, du veau et de

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