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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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mère, située de l’autre côté de
la place. Je continuais à faire le ménage, mais je finis par ne plus voir là qu’une
tâche parmi bien d’autres, juste une pièce de plus à balayer et à épousseter.
    Lorsque je me rendais au marché
à la viande, je trouvais difficile de croiser le regard de Pieter fils. Sa
gentillesse m’attristait. J’aurais dû la lui rendre, mais ne l’avais pas fait.
J’aurais dû en être flattée, mais ne l’étais pas. Je ne voulais pas de sa
sollicitude. J’en vins à préférer être servie par son père, qui me taquinait
mais n’attendait rien en retour, sauf mes commentaires sur sa viande. Cet
été-là, nous eûmes droit à de la bonne viande.
    Le dimanche, je me rendais
parfois à la faïencerie où Frans était en apprentissage, le suppliant de
m’accompagner à la maison. Il accepta deux fois, apportant ainsi un peu de joie
à mes parents. Dire qu’un an plus tôt ils avaient encore trois enfants chez eux
et qu’aujourd’hui ils n’en avaient plus ! Par notre présence, Frans et moi
leur rappelions des temps plus heureux. Une fois même, ma mère se mit à rire,
mais elle se reprit en hochant la tête. « Dieu nous a punis pour avoir pris
notre bonne fortune comme allant de soi, dit-elle. N’oublions jamais ça. »
    Retourner à la maison n’était
pas aisé. Je m’aperçus qu’après ces quelques dimanches où je n’avais pu rentrer
en raison de la quarantaine, je finissais par ne plus m’y sentir vraiment chez
moi. Je commençais à oublier où ma mère rangeait les affaires, quelle sorte de
carreaux de faïence entouraient la cheminée, comment le soleil brillait dans
les pièces aux divers moments de la journée. Au bout de quelques mois, je
pouvais mieux décrire la maison du Coin des papistes que celle de ma propre
famille.
    Ces visites à la maison étaient
particulièrement éprouvantes pour Frans. Après des jours et des nuits à la
faïencerie, il avait envie de se détendre, de rire et de plaisanter ou, tout au
moins, de dormir. Sans doute le persuadais-je de m’y accompagner dans l’espoir
de resserrer les liens familiaux. C’était, hélas ! peine perdue car,
depuis l’accident de mon père, nous étions une famille différente.
     
    *
     
    Un dimanche, alors que je
rentrai de chez mes parents, Catharina fut prise des douleurs de l’enfantement.
Dès que je franchis la porte, je l’entendis gémir. Je jetai un coup d’oeil dans
la grande salle, plus sombre qu’à l’ordinaire, car on avait fermé les volets
des fenêtres inférieures pour donner plus d’intimité. J’y aperçus Maria Thins,
Tanneke et la sage-femme.
    « Va rejoindre les filles,
dit Maria Thins en me voyant, je les ai envoyées jouer dehors. Cela ne devrait
plus être bien long. Reviens dans une heure. »
    Elle n’eut pas à me le répéter :
Catharina faisait beaucoup de bruit et il me semblait malséant de rester là
alors qu’elle était dans cet état, d’autant que je savais qu’elle n’aurait pas
voulu que je sois là.
    Je partis chercher les filles
au marché aux bestiaux, leur endroit préféré, situé tout près de la maison.
Elles jouaient aux billes et à chat perché quand j’arrivai. Le petit Johannes
les suivait, château branlant. Nous autres n’aurions jamais permis ce genre de
jeu un dimanche, mais les catholiques voyaient les choses différemment.
    Lasse de courir, Aleydis vint
s’asseoir à côté de moi.
    « Maman aura bientôt son
bébé ? demanda-t-elle.
    — Votre grand-mère dit
qu’il sera là d’un moment à l’autre. Nous retournerons bientôt les voir.
    — Papa sera content ?
    — Bien sûr.
    — Vous croyez qu’il va
peindre plus vite maintenant qu’il a un autre enfant ? »
    Je gardai le silence. Je
croyais entendre Catharina s’exprimer par la bouche de cette petite fille. Je
ne voulais pas en entendre davantage.
    À notre retour, il se tenait
sur le seuil de la maison.
    « Oh ! papa !
vous avez mis votre toque ! »
    Les filles coururent vers lui
et essayèrent de lui arracher sa toque de paternité, bonnet molletonné dont les
rubans pendaient sur ses oreilles. Il avait l’air tout à la fois fier et
embarrassé. Cela me surprit. Etant passé par là cinq fois, je pensais qu’il y
était habitué. Il n’avait aucune raison de paraître gêné.
    C’est Catharina qui veut une
famille nombreuse, me dis-je. Lui, il préférerait être seul dans son atelier.
    Cela ne pouvait pas être tout à
fait

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