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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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son atelier.
    « Excusez-moi, Monsieur,
dis-je, en faisant tomber mon chiffon dans le seau d’eau. J’aurais dû commencer
par vous demander la permission. Mais comme vous ne peigniez pas ces temps
derniers… »
    Il prit un air perplexe, puis
secoua la tête.
    « Oh ! les vitres…
Non, non, vous pouvez continuer votre travail. »
    J’aurais préféré ne pas les
laver en sa présence, mais comme il restait là, je n’avais pas le choix. Je
rinçai un chiffon, le tordis et le passai à nouveau sur les carreaux, à
l’intérieur et à l’extérieur.
    Ayant terminé, je reculai pour
juger de l’effet. Le jour entrait, limpide. Il se tenait toujours derrière moi.
    « Etes-vous satisfait,
Monsieur ? demandai-je.
    — Regardez-moi encore une
fois par-dessus votre épaule. »
    J’obéis. Il m’observait. Il
s’intéressait de nouveau à moi.
    « La lumière est plus
limpide maintenant.
    —  En effet. »
    Le lendemain, la table,
recouverte d’une nappe rouge, jaune et bleu, avait retrouvé sa place dans l’angle
où il travaillait. Il avait placé une chaise contre le mur du fond et accroché
une carte au-dessus de celle-ci.
    Il s’était remis à peindre.
1665

 
     
    Mon père insista pour que je
lui décrive une fois de plus le tableau.
    « Mais rien n’a changé
depuis la dernière fois, dis-je.
    — Je veux t’entendre à
nouveau », insista-t-il, tout voûté dans son fauteuil pour se rapprocher
du feu. On aurait cru Frans enfant, quand on lui disait qu’il n’y avait plus
rien à manger dans la marmite. Mon père se montrait souvent impatient pendant
le mois de mars tandis qu’il attendait que l’hiver en finisse, que les frimas
s’estompent et que le soleil réapparaisse. Mars était un mois imprévisible. Des
journées plus chaudes apportaient quelque espoir jusqu’à ce que gelées et grisaille
s’installent à nouveau sur la ville.
    Mars était le mois de ma
naissance.
    Sa cécité semblait rendre
l’hiver encore plus détestable à mon père. Ses autres sens s’étant avivés, il
était très sensible au froid, souffrait que la maison sente le renfermé, était
plus prompt que ma mère à remarquer la fadeur du pot-au-feu aux légumes. Bref,
un hiver trop long était pour lui une véritable souffrance.
    Je le plaignais. Dès que je le
pouvais, je lui apportais en cachette des gâteries provenant des provisions de
Tanneke, des cerises cuites, des abricots secs, une saucisse froide, et, un
jour, une poignée de pétales de rose trouvés dans le placard de Catharina.
    « La fille du boulanger se
tient debout dans un cône de lumière, près d’une fenêtre, commençai-je,
résignée. Elle est tournée vers nous, mais elle regarde par la fenêtre à sa
droite. Elle porte un corselet de soie et de velours, une jupe bleu foncé et
une coiffe blanche qui se termine par deux pointes sous son menton.
    — Tu veux dire comme tu
portes la tienne ? » demanda mon père. Il ne m’avait jamais posé
cette question, j’avais pourtant chaque fois décrit la coiffe de la même façon.
    « Oui, comme la mienne. Si
vous regardez cette coiffe un moment, ajoutai-je précipitamment, vous vous
apercevez qu’il ne l’a pas peinte vraiment blanche mais bleu, violet et jaune.
    — Tu viens pourtant de me
dire que c’était une coiffe blanche.
    — Oui, et c’est bien cela
le plus étrange. Elle est peinte d’une multitude de couleurs, mais quand vous
la regardez, vous avez l’impression qu’elle est blanche.
    — La peinture des carreaux
de faïence est beaucoup plus simple, grommela mon père. Vous vous servez de
bleu, un point c’est tout. Un bleu foncé pour les contours, un bleu plus clair
pour les ombres. Bleu, c’est bleu. »
    Et un carreau de faïence est un
carreau de faïence, pensais-je, et il n’a rien à voir avec ses tableaux. Je
voulais lui faire comprendre que le blanc n’était pas simplement blanc. Mon
maître m’avait appris cela.
    « Que fait-elle ? me
demanda-t-il au bout d’un moment.
    — D’une main elle tient
une aiguière en étain posée sur une table et de l’autre elle tient la fenêtre
entrouverte. Elle est sur le point de saisir l’aiguière et d’en verser l’eau
par la fenêtre, mais son geste reste en suspens, soit qu’elle s’abandonne à la
rêverie, soit qu’elle regarde par la fenêtre.
    — Lequel des deux ?
    — Je n’en ai pas idée.
Parfois on dirait l’un, parfois on dirait l’autre. »
    Mon père se rassit dans

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