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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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naissance de Franciscus.
Il faisait très froid. Franciscus et Johannes n’étaient guère en forme, ils
avaient une toux de poitrine et avaient peine à respirer. Catharina et la
nourrice s’occupaient d’eux près du feu de la buanderie, tandis que le reste de
la famille était à la cuisine, au coin des fourneaux.
    Il était le seul à ne pas être
là. Il était là-haut. Le froid ne semblait pas le gêner.
    Catharina vint se camper dans
l’embrasure de la porte entre les cuisines. « Il faut que quelqu’un aille
chez l’apothicaire, annonça-t-elle, le visage tout rouge. J’ai besoin de
remèdes pour les garçons. » Elle me regardait de manière significative.
    En général, j’aurais été la
dernière choisie pour ce genre de course. Se rendre chez l’apothicaire n’était
pas aller chez le boucher ou le poissonnier, tâches que Catharina continuait à
me laisser après la naissance de Franciscus. L’apothicaire, lui, était un homme
docte et respecté, Catharina et Maria Thins aimaient aller le trouver. Je
n’avais pas droit à un tel honneur. Cependant, par un froid pareil, toute
course était confiée au membre le plus humble de la maisonnée.
    Pour une fois, Maertge et
Lisbeth ne demandèrent pas à m’accompagner. Je m’emmitouflai dans une cape et
des châles de laine tandis que Catharina m’expliquait que je devais demander
des fleurs de sureau séchées et de l’élixir de pas-d’âne. Cornelia ne me
lâchait pas, elle m’observait tandis que je dissimulais sous la cape les
pointes de mes châles.
    « Puis-je venir avec
vous ? » me demanda-t-elle, avec un sourire empreint d’une innocence
bien entraînée. Je me demandais parfois si je ne la jugeais pas avec trop de
sévérité.
    « Non, répondit pour moi
Catharina. Il fait beaucoup trop froid. Je refuse de voir un autre de mes
enfants tomber malade. Allez, dépêchez-vous, ajouta-t-elle à mon intention.
Faites le plus vite possible. »
    Je refermai derrière moi la
porte d’entrée et sortis dans la rue. Tout était très calme, les gens avaient
le bon sens de rester bien au chaud chez eux. Le canal était gelé. Le ciel
était sombre. Tandis que le vent s’acharnait sur moi et que j’enfouissais mon
nez dans les replis laineux abritant mon visage, j’entendis mon nom. Je
regardai autour de moi, pensant que Cornelia m’avait suivie. La porte d’entrée
était fermée.
    Je levai la tête. Il avait
ouvert une fenêtre par laquelle il passait la tête.
    « Monsieur ?
    — Où allez-vous,
Griet ?
    — Chez l’apothicaire,
Monsieur. Madame me l’a demandé. C’est pour les garçons.
    — Pourriez-vous aussi me
rapporter quelque chose ?
    — Bien sûr,
Monsieur. » Soudain le vent ne sembla plus aussi agressif.
« Attendez, je vais vous l’écrire. » Il disparut, j’attendis, il
reparut au bout d’un moment et me jeta une bourse en cuir. « Donnez à
l’apothicaire le papier qui est à l’intérieur et rapportez-moi ce qu’il vous
donnera. »
    Je répondis d’un signe de tête
et fis disparaître la bourse dans un des plis de mon châle, ravie de cette
mystérieuse requête.
    La boutique de l’apothicaire
était située près du marché aux grains, vers la porte de Rotterdam. Ce n’était
pas bien loin, mais l’air que je respirais semblait geler en moi, tant et si
bien que le temps que je pousse la porte de la boutique, je ne pouvais plus
parler.
    Jamais je n’étais entrée chez
un apothicaire, pas même avant de devenir servante, car ma mère préparait tous
nos remèdes. La boutique était une petite pièce aux murs couverts de haut en
bas d’étagères. Sur celles-ci étaient rangées toutes sortes de fioles, de
jattes, de récipients en terre cuite étiquetés avec soin. Même si j’avais pu
lire leurs noms, je n’aurais sans doute pas eu idée de l’usage de leur contenu.
Un tel froid tuait la plupart des odeurs, mais une odeur inconnue s’attardait,
on aurait dit quelque pourriture enfouie sous un tapis de feuilles dans la
forêt.
    Je n’avais vu qu’une fois
l’apothicaire, c’était le jour de la fête donnée pour la naissance de
Franciscus, quelques semaines plus tôt. Chauve et frêle, il me rappelait un
oisillon. Il fut étonné de me voir. Rares étaient ceux qui s’aventuraient par
un froid pareil. Assis à sa table, une balance près de son coude, il attendit
que je parle.
    « Mon maître et ma
maîtresse m’ont demandé d’aller vous trouver », haletai-je dès

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